Communes-intercos : l’art de faire vivre l’action communautaire

Publié le 04/01/2020 | La rédaction

France

Le projet de territoire est un élément essentiel d’une bonne relation communes-intercommunalité. Encore faut-il que tout le monde se l’approprie. Pour cela, il devra être co-construit, partagé et animé.

Les tensions entre communes et communauté s’ancrent souvent, au quotidien, dans un déficit de sentiment d’appartenance, dans une forme de méfiance vis-à-vis de la « technocratie communautaire ». Parfois dans la conviction que chaque commune essaie d’utiliser l’intercommunalité à son seul profit. Dans ce contexte, il y a un enjeu essentiel : ne pas sous-estimer l’impérieuse nécessité de donner du sens au projet commun, qui doit s’incarner à la fois dans un projet de territoire et dans un pacte de gouvernance.

Modeste mais ambitieux

Le projet de territoires (tiens, comme le développement durable…) : le terme fait partie du registre de langage courant des collectivités locales. Mais il a tellement été usité, malaxé, essoré dans des contextes différents et à des fins différentes qu’il finit par perdre de son sens, de sa portée, voire par susciter la méfiance. Et pourtant… il constitue souvent le cadre pertinent pour se poser les questions essentielles à la solidité et à la pérennité du couple communes-intercommunalité : quelles visions/valeurs communes partageons-nous ? Quel est le sens du vivre ensemble au sein de la communauté ? Qu’avons-nous envie de faire de notre territoire dans les années à venir ?

 

Un projet de territoire sera réussi s’il permet de renforcer le sentiment d’appartenance à l’intercommunalité et d’amener élus communautaires et municipaux à construire ensemble des visions, des projets

 

Réussir cet exercice suppose de faire preuve de modestie dans l’ambition : il est rare qu’un projet de territoire permette à la fois de surmonter tous les scepticismes, de proposer des réponses concrètes et consensuelles aux questions aiguës qui n’ont pas trouvé de débouchés depuis vingt ans, tout en proposant une vision ambitieuse et porteuse d’identité vis-à-vis de l’extérieur. Pour autant, il a probablement pour vocation première de créer les conditions pour progresser, par étapes, vers cette multitude d’ambitions. En d’autres termes, il sera réussi s’il permet de renforcer le sentiment d’appartenance à l’intercommunalité et d’amener élus communautaires et municipaux à construire ensemble des visions, des projets, aussi modestes soient-ils, qui insèrent les intérêts communaux dans ce fameux vivre ensemble communautaire.

Communes/interco : je t’aime moi non plus !
Depuis que l’intercommunalité de projet s’est affirmée sur tout le territoire national, embrassant les 36 000 communes, la relation communes/intercommunalité est constamment ré-interpellée. Pourtant, avec la décentralisation, la diversité des services publics administrés localement n’a cessé d’augmenter. De nouveaux services se sont développés aux dires de satisfaire les besoins nouveaux des usagers, d’améliorer leur qualité et répondre aux normes toujours plus contraignantes. Aujourd’hui à maturité, l’intercommunalité a absorbé cette évolution en offrant aux pouvoirs publics locaux une ingénierie publique nouvelle au fur et à mesure du retrait des directions opérationnelles de l’État dans les départements. Pourquoi alors recréer des défiances, vouloir détricoter les lois, entretenir une guerre des territoires et ainsi fragiliser les organisations ? À qui profite donc ce va-et-vient législatif, ce dogme de la proximité qui justifie un statu quo à l’égard des communes ?… La confusion s’installe entre défenseurs de la souveraineté municipale et pourfendeurs de l’administration des services publics à des échelles fonctionnelles communautaires, de bassins de vie et à géométries variables. L’inter-territorialité se construit et élargit encore plus le spectre des coopérations et des alliances, chahutant la relation exclusive du couple communes/intercommunalité et l’exercice démocratique de la représentativité pour, espérons-le, un regain prochain de la participation citoyenne !

Martine Poirot, directrice générale des services de la communauté de communes du Bassin de Pompey présidente déléguée de l’ADGCF

 

Pour caler les armoires

Relever le défi suppose en premier lieu une bonne dose de co-construction, en privilégiant des formats de type ateliers de travail thématiques permettant à la créativité, aux envies, aux indignations de s’exprimer largement puis de progresser, par itérations vers le domaine du possible et du souhaitable.

Cela requiert également une capacité à prendre de la hauteur en alimentant les élus en données, en tendances, en illustrations cartographiques qui permettent de confronter la perception qu’ils ont du territoire à la réalité des dynamiques qui l’animent. À cet égard, les portraits stylisés, synthétiques et dynamiques de territoire, qui s’appuient sur quelques hypothèses prospectives aux contours un peu schématiques, sont préférables aux épais diagnostics à plat qui finissent trop souvent par caler les armoires parce qu’ils sont peu problématisés et peu porteurs de sens.

 

L’essentiel est moins le projet de territoire abouti que le processus qui a permis de le construire par appropriations successives

 

Cela implique enfin que le travail classique sur les orientations et actions permette l’identification de projets phares qui incarnent l’ambition communautaire et qu’il soit assorti d’une réflexion approfondie sur les conditions de réussite des projets, sur le plan technique et financier bien sûr, mais aussi sur le plan de la mobilisation des partenaires, de l’implication des usagers, de la gouvernance de ceux-ci, etc.

Dans tous les cas, le mieux est l’ennemi du bien et l’essentiel semble non pas la copie à laquelle le projet de territoire aboutit, mais le processus qui a permis de le construire par étapes, par appropriations successives et par élargissement progressif du champ des thématiques abordées comme des partenaires associés. Si le processus proposé garantit cette montée en puissance progressive, il sèmera des graines pour l’avenir et permettra d’enraciner le fait intercommunal dans les consciences et dans les pratiques.

 

À force de construire l’intercommunalité uniquement sous contrainte, on a oublié la vocation du projet communautaire

 

Le pacte de gouvernance, matrice du projet intercommunal

Le projet de loi engagement et proximité a remis au goût du jour une vieille idée qui avait peu à peu perdu de sa force et de sa saveur : les pactes de gouvernance communautaires.

Le retour en force de cette idée dit quelque chose de l’air du temps : à force de construire l’intercommunalité uniquement sous contrainte, par transferts de compétence successifs et par fusions non consenties, on a parfois fini par en oublier la vocation du projet communautaire et les modalités du bon fonctionnement de ce dernier.

L’ambition d’un pacte de gouvernance est de créer un espace de dialogue politique autour de ces questions essentielles et de les traduire dans une forme de « constitution » du projet communautaire.

 

« La question des modes de fonctionnement de l’intercommunalité est essentielle »

 

Les communautés qui ont réussi l’exercice sont d’abord celles qui ont su clarifier via ce pacte l’objectif du projet intercommunal : la gestion des grands défis, dont les réponses ne peuvent être pensées à une échelle uniquement communale certes, mais aussi et surtout la cohérence, la solidarité de la coopération au quotidien dans la production des politiques publiques, communales ou communautaires.

 

Place aux vraies questions

Poser ces fondamentaux n’est pas une mince affaire, mais la question des modes de fonctionnement de l’intercommunalité est tout aussi essentielle : quelle place respective pour les maires et les vice-présidents dans la conduite des politiques communautaires ? Quels mécanismes de prise en compte des intérêts communaux qui trouvent le bon point d’équilibre avec l’intérêt communautaire ?

Quel rôle pour les DGS de commune et pour les services communautaires dans l’animation de la gouvernance intercommunale ? Comment apporter des réponses adaptées aux grandes communes à profil urbain comme aux plus petites communs à profil rural ?

Autant de questions pour lesquelles les pactes de gouvernance, souvent élaborés en début de mandat ou après une recomposition territoriale, sont l’occasion d’apporter des réponses concrètes et adaptées aux spécificités du territoire comme à son histoire politique.

 

L’intercommunalité ne se construit pas contre les communes
L’intercommunalité n’est pas responsable de tous les maux du local. C’est au contraire l’outil le plus efficace pour porter la solidarité et le développement local et ce, quel que soit le territoire concerné (urbain ou rural) et quelle que soit la taille des communes. Il y a eu, sans doute, des excès et des comportements hégémoniques ici ou là, mais il n’en demeure pas moins que la survie des communes et une gestion efficiente des services et équipements locaux passent par la mise en commun des projets et des moyens. Les élus municipaux doivent considérer la structure intercommunale comme leur outil. Ils doivent être associés certes, mais aussi s’investir dans la définition et la mise en œuvre des politiques intercommunales et éviter de se comporter en client. L’outil intercommunal doit s’organiser pour favoriser l’association des élus et des cadres municipaux. Des solutions sont mises en œuvre sur le terrain et peuvent servir de référence pour ceux qui cherchent à améliorer le système.

Maurice François, administrateur général retraité

 

Source:  www.lettreducadre.fr


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