Les artisans prennent leur destin en main

Publié le 06/01/2020 | La rédaction

Luxembourg

L’artisanat se porte bien, merci. Mais les patrons doivent agir sur plusieurs facteurs – dont la recherche de main-d’œuvre qualifiée – s’ils veulent préserver la rentabilité de leur entreprise. Romain Schmit dresse l’état des lieux du secteur à l’approche de 2020.

La boule de cristal pour voir l’avenir du secteur de l’artisanat? À première vue, cet avenir se dessine de manière très positive. Demande d’une clientèle de plus en plus orientée vers la qualité et la durabilité, augmentation continue du pouvoir d’achat, les développements liés à l’économie circulaire, transition écologique et technologique voire le paquet climat, importance du développement local et régional. Tous ces concepts devant logiquement influencer positivement les entreprises actives dans un secteur caractérisé par la production d’un bien (souvent sur mesure), assorti à des prestations de service comme le montage et son entretien.

Ces dernières années, le développement du secteur a été impressionnant. Il a continué à embaucher de nouveaux talents, et avec environ 100.000 emplois, il a presque doublé son effectif de l’an 2000. Le nombre d’entreprises quant à lui est également en progression, mais le taux de disparition, lui aussi, continue à être soutenu. Ce qui indique que tout ne serait éventuellement pas au mieux dans le meilleur des mondes possibles.

À regarder de plus près, on voit effectivement des nuages à l’horizon. Ainsi, la conjoncture internationale semble s’assombrir et les prévisions de croissance sont régulièrement revues à la baisse. Même si l’État continue sa politique volontariste en matière d’investissements et d’infrastructures, des soucis persistent au niveau des finances publiques.

«Un secteur en croissance, mais en panne de rentabilité»

Malgré la bonne situation au niveau des carnets de commandes, les entreprises artisanales se plaignent du manque de rentabilité. L’arrivée massive de concurrents étrangers exerce une forte pression sur les prix qui ne peuvent pas être adaptés à l’évolution pourtant très dynamique de leurs coûts de production.

Contrairement à l’opinion généralement répandue, les entreprises ne profitent pas toutes au même degré de la croissance économique. En effet, certaines statistiques montrent que les entreprises marchandes non financières du Luxembourg figurent depuis longtemps en dernière place dans le classement européen de la profitabilité. Des études ont essayé d’expliquer ou de relativiser ce constat, mais elles n’ont pas vraiment réussi. Toujours est-il que la Fédération des artisans a proposé au ministre des Classes moyennes ( Lex Delles , DP, ndlr) d’approfondir ces études afin qu’on puisse prendre les mesures qui s’imposent.

Une politique en faveur des PME ne s’arrête pas à la fiscalité

En attendant, nous observons avec grand souci que gouvernement et politique en général se relayent pour proposer des bonbons sociaux sans autrement se soucier de la situation des PME artisanales (et autres), convaincus que l’économie se porte bien et peut donc tout supporter. Tout au plus entend-on une timide proposition de compenser les mesures sociales en faveur des salariés par une diminution de la fiscalité grevant les entreprises. Pour être bien clair à ce sujet: il faut d’abord générer des profits avant de pouvoir payer des impôts!

Questionnés sur les plus grands défis s’opposant à leur développement, les artisans pointent le manque de main-d’œuvre qualifiée, la digitalisation et l’absence de terrains pour leurs propres besoins.

Pour enchaîner sur ce dernier point, nous constatons que les terrains réservés au développement des activités économiques ne cessent de rétrécir au gré des plans sectoriels qui se succèdent. Au-delà d’une augmentation de ces surfaces, la Fédération des artisans propose donc la révision des conditions d’aménagement des zones d’activités (espaces verts, hauteurs, nombre d’étages, parkings…). Pour les autres points, nous avons eu l’ambition de mettre en place tout un écosystème visant à accompagner les entreprises artisanales dans leurs processus de transformation et de transition.

Un secteur prend sa formation professionnelle continue en main

En termes de manque de main-d’œuvre qualifiée, nous avons pris l’initiative dès 2015 d’améliorer notre formation continue par la mise en place des Centres de compétences. Entre-temps, le secteur de la construction dispose d’un système cohérent et structuré de formation continue couvrant tous les métiers et surtout tous les niveaux de qualification. D’autres secteurs seront bientôt couverts par des systèmes analogues, car le succès de l’initiative fait que la sensibilité des chefs d’entreprise pour la formation continue augmente, tout comme leur disponibilité de s’y investir pour autant qu’ils gardent la mainmise sur le système!

L’an passé, nous avons créé le Centre de compétences Digital Handwierk où les entreprises trouvent en un seul lieu accompagnement du projet, aide à la prise de décision stratégique et montage financier ensemble avec la mise en place du plan de formation nécessaire au projet. À ce stade, nous avons pu accompagner une vingtaine d’entreprises, et les retours sur expérience ont permis un ajustement de nos prestations. Prochainement une trentaine d’entreprises vont démarrer leurs projets respectifs.

D’autres mesures en termes de recrutement sont imaginables, notamment concernant l’immigration. En effet, des initiatives sont en cours en vue d’attirer des compétences de plus loin. Or, nous constatons que le prix du logement surtout est un obstacle pour les travailleurs potentiels. Nous sommes donc en train d’étudier la création mutualisée de logements pour les travailleurs des entreprises. Il faudra cependant aussi que les entreprises augmentent leur productivité notamment grâce à la digitalisation, à la préfabrication et à l’implémentation de processus «industriels» dans les entreprises artisanales.

Comment se porte l’artisanat?

En conclusion, je crois qu’il faut différencier entre le secteur qui est en progression et les entreprises qui le composent et qui, elles, se voient confrontées à toute une série de défis. Le secteur se porte bien en général. L’entreprise artisanale doit cependant relever le défi de concilier le maintien ou l’augmentation du chiffre d’affaires avec une main-d’œuvre manquante tout en réalisant un bénéfice lui permettant, à terme, de tirer son épingle du jeu.

En tant qu’organisation, nous avons misé sur la formation continue, l’innovation technologique, l’énergie et la persévérance des chefs d’entreprises et de leurs salariés pour continuer à évoluer. C’est le pari que nous tenons. Car nous avons appris qu’il y a peu d’espoir de voir évoluer d’autres facteurs comme le cadre légal par exemple pour mieux répondre aux aspirations et nécessités des entreprises et de leurs travailleurs en ce début du 21e siècle.

 

Source: paperjam.lu


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