Circuits courts et cantines : le 47 et l’ADF essaiment leurs bonnes pratiques

Publié le 14/02/2020 | La rédaction

France

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Le 20 février prochain, le conseil départemental de Lot-et-Garonne accueille au centre de congrès d’Agen les Ateliers de l’Assemblée des Départements de France (ADF), portant sur les liens entre les circuits courts et la restauration collective.

Le Lot-et-Garonne pourra essaimer ses bonnes pratiques en la matière, via l’exemple de la démarche "Du 47 dans nos assiettes", développée auprès des collèges et, désormais, des maisons de retraite. Outre le fait d’être des sujets de préoccupation forts pour notre société actuelle, l’alimentation et la proximité sont deux thèmes qui mettent en exergue le rôle des conseils départementaux en matière de solidarité sociale, de solidarité territoriale, mais aussi d’éducation. Autant de raisons qui ont conduit La Dépêche du Midi à être partenaire des Ateliers de l’ADF, organisés le 20 février. Afin d’introduire les débats, nous avons donné la parole à l’ex-ministre de l’Agriculture, Dominique Bussereau, qui préside la Charente-Maritime et l’Assemblée des Départements de France, ainsi qu’à Sophie Borderie, présidente du Lot-et-Garonne, en leur donnant la possibilité de se poser chacun une question.

Dominique Bussereau, président de l’ADF

Pourquoi l’Assemblée des Départements de France (ADF) organise ses Ateliers de façon déconcentrée sur les territoires ?

C’est quelque chose que l’on fait depuis 2017. Cela consiste à organiser un rendez-vous conjoint entre l’ADF et un département pour montrer concrètement une politique menée par ce dernier et qui pourrait intéresser les autres. D’autres départements sont donc invités à participer et, à l’issue de la journée, nous réalisons un dossier complet pour faire des échanges de bonnes pratiques. Le rôle de l’ADF est double. Il est à la fois de défendre les départements et les représenter devant le gouvernement et le parlement, et puis de travailler en commun, de progresser, d’échanger les bonnes idées. Les Ateliers de l’ADF ont cet objectif.

Le fait de venir en Lot-et-Garonne, à Agen, cela représente quoi pour l’ADF ?

Personnellement, je ne pourrais malheureusement pas être là, parce que je dois subir une petite opération au genou quelques jours auparavant. Cela me fait très plaisir que ces Ateliers se déroulent à Agen car c’est la même Région que la mienne, la Nouvelle-Aquitaine. On a beaucoup travaillé avec Pierre Camani, qui travaillait sur les départements ruraux et qui a fait un gros travail sur la solidarité financière entre les départements. Il a été remplacé par Sophie Borderie, avec laquelle on travaille bien également. Il y a plein de bonnes raisons de venir en Lot-et-Garonne, d’autant que c’est l’un des trois départements qui a posé sa candidature pour accueillir le 91e congrès de l’ADF. Il a fait un travail de promotion de sa candidature très important auprès des autres départements. Les choses ne sont pas encore fixées mais le Lot-et-Garonne s’est bien mobilisé sur cette candidature.

Les Ateliers de l’ADF du 20 février porteront sur la relation entre les circuits courts d’approvisionnement et la restauration collective. Quel regard vous portez sur les attentes de nos concitoyens à l’égard d’une alimentation de proximité, peut-être davantage plébiscitée encore que le bio ?

Je tiens à souligner que nous soutenons déjà, au travers de l’ADF, une association qui s’appelle Agrilocal. C’est un groupement de départements qui fait la promotion des circuits courts, en particulier dans la restauration collective. La plupart des départements aident déjà les producteurs à s’équiper, dans le cadre de conventions passées avec la Région, pour les circuits courts. Et puis il y a les stratégies de marque comme l’est "Du 47 dans nos assiettes". Nous faisons la même chose dans mon département, la Charente-Maritime, avec "Plus de 17", avec l’autorisation de Lot-et-Garonne. Les départements ont deux fonctions : la solidarité sociale et la solidarité territoriale. Dans le cadre social, nous avons des actions de lutte contre la précarité alimentaire, en aidant des associations comme les Restos du Cœur et d’autres.

Il y a aussi la dimension "collèges", qui est du ressort des compétences départementales ?

Il y a aussi le gros morceau de la politique éducative où on essaie de répondre à plusieurs questions : comment on approvisionne nos cantines, comment on lutte contre le gaspillage alimentaire, comment on forme les jeunes à la nutrition ? Chaque jour, les 103 départements de France gèrent 2,2 millions de collégiens, avec un prix moyen de repas facturé aux familles à l’échelle nationale d’un peu moins de 3 euros. Notre objectif, c’est de fournir des menus de qualité, des menus issus de circuits courts et la promotion du bio. La Dordogne voisine du Lot-et-Garonne a comme objectif des menus 100 % bios dans ses cantines. Dans un département comme le mien, c’est au moins un repas par semaine issu du bio et du bio local, pas du bio qui a fait des milliers de kilomètres. Il y a un problème que nous avons posé au gouvernement et au ministre de l’Education Nationale. Autant nous avons la main sur les moyens financiers et les personnels, autant nous ne l’avons pas sur les gestionnaires de collèges, qui sont des agents de l’Etat. Dans mon département sur 51 collèges, une dizaine de gestionnaires n’a pas voulu se lancer dans le bio. Je n’ai pas d’autorité sur eux. Dans le cadre de la future loi 3D "décentralisation, déconcentration, différenciation", on a demandé à l’Etat de récupérer ces personnels sous l’égide des Départements. C’est nous qui payons, mais nous ne pouvons pas mener les politiques alimentaires que l’on souhaite sur nos territoires.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, aura bientôt 5 ans. Avec le recul, elle semble donner une prééminence aux Régions et Agglomérations, ce qui n’est pas sans inquiéter les territoires ruraux qui se sentent éloignés. Quel regard portez-vous, en tant que président de l’ADF, sur la place du département ?

La loi NOTRe et le nouveau découpage régional a mis fin à de nombreuses attaques portées sur le département. Dans une grande Région comme la Nouvelle-Aquitaine, avec 12 départements et une superficie digne d’un Etat européen moyen, la Région est tellement concentrée sur les grands projets industriels et économiques que, dans le domaine de la solidarité territoriale, on a encore plus besoin qu’avant du département. Il faut organiser un travail en commun. Dans mon département, je vois tous les six mois les présidents d’intercommunalité. Il y a des réunions de travail entre nos services et les directeurs d’intercommunalité. On voit souvent les maires. Ce qu’on attend de la loi 3D, c’est qu’elle assouplisse la loi NOTRe. Si, par exemple, la Région Nouvelle-Aquitaine accepte de nous déléguer une compétence économique, qu’on puisse le faire. Si, a contrario, un Département veut déléguer une de ses compétences à une intercommunalité, qu’il puisse le faire.

(question de Sophie Borderie) Au moment où nous célébrons les 230 ans des Départements, comment voyez-vous l’avenir des Départements ruraux en particulier ?

Il faut qu’on mette en place une solidarité financière entre les départements. Je suis très heureux de ce qui s’est passé en 2019. Pierre Camani avait été un des acteurs de tout cela. Nous avons mis en place avec l’ADF une solidarité volontaire d’1,5 milliards d’euros, entre grosso modo les dix départements les plus à l’aise, style Alpes-Maritimes, Hauts-de-Seine, ou un département comme le mien, et les autres départements. Cela nous permet de répartir cette somme vers les départements ruraux qui en ont besoin et les grands départements urbains en difficulté. Nous avons joué entre nous la carte de la solidarité financière. L’avenir des Départments est assuré. J’en veux pour preuve un dossier très important pour l’avenir de nos territoires, celui de la fibre optique. Dans la quasi-totalité des territoires, sauf dans les grandes villes et agglos, ce sont les Départements qui déploient la fibre optique.

L’évolution de la fiscalité des Départements, qu’en pensez-vous ?

On a très mal perçu l’année 2019. Nous étions en révolte contre le fait qu’on nous supprime à partir de 2021 notre part d’impôt foncier, remplacé par une recette fondée sur la perception de la TVA. Dans les mesures que nous proposons, c’est une loi de finances annuelle pour les collectivités et qu’on revoit complètement la fiscalité locale. Nous ne devons pas dépendre de ressources octroyées par l’Etat mais nous devons avoir le maximum de ressources propres. On nous en a volé une, celle de l’année prochaine, et on ne l’a toujours pas digéré.

Sophie Borderie, présidente du Lot-et-Garonne

Qu’est-ce qui a motivé le conseil départemental de Lot-et-Garonne dans l’accueil des Ateliers de l’ADF ?

Nous trouvions intéressant de pouvoir valoriser une action de notre collectivité, de mettre en avant ce que sait faire un département rural comme le nôtre. Nous avions envie de partager ce que nous avons réussi à mettre en place en termes de circuits courts auprès de la restauration collective, qu’il s’agisse des collèges depuis quelques années et désormais des maisons de retraite.

Quel regard vous portez sur les attentes de nos concitoyens à l’égard d’une alimentation de proximité ?

La question du "bien manger" est désormais plus qu’un effet de mode, c’est un enjeu de société. C’est donc un acte fort de s’en emparer avec de nombreuses questions, très importantes, qui en découlent, comme celle de la santé publique. Le travail mené auprès des collégiens et celui que l’on réalise auprès de nos aînés ont permis de lever des réticences. Ce n’était pas forcément une exigence des fournisseurs de ceux formes de restauration collective de faire appel aux circuits courts. Ils ne voyaient pas l’intérêt de se tourner vers des producteurs locaux qui pratiquent l’agriculture raisonnée. C’est bien de faire changer les mentalités, en démontrant par l’exemple.

L’action "Du 47 dans nos assiettes" a été compliquée à mettre en œuvre ?

Ce fut surtout long, car ce n’est pas une mince affaire. Cela ne se décrète pas d’un claquement de doigts. C’est un travail de longue haleine qui demande beaucoup de concertation, de partenariats, de faire évoluer les habitudes de consommation des enfants, mais aussi celles de la collecte alimentaire. Un gros chantier a été mené à bien avec les équipes de cuisine des collèges, en lien avec le groupement d’achat du conseil départemental, tout en respectant les règles des marchés publics. Ce ne fut pas toujours facile, mais le Lot-et-Garonne y est parvenu. Avec l’expérience des collèges, on se tourne désormais vers les maisons de retraite. C’est plus simple car nous avons du recul désormais sur notre première action. C’est cette expérience que nous souhaitons désormais partager avec les autres départements.

Fort de cette expérience justement, vous auriez des conseils à donner au législateur pour qu’il facilite les choses ?

Il faudrait donner les moyens aux collectivités territoriales de répondre plus vite à leurs objectifs. Je ne parle pas forcément de moyens financiers. On peut soutenir les initiatives locales en les relayant, en les partageant, en les expérimentant.

C’est justement ce que devrait autoriser la future loi 3D.

La possibilité d’expérimenter doit s’inscrire dans la décentralisation, mais il y a encore trop d’injonctions contradictoires de la part de l’Etat. On donne une forme de liberté d’un côté et on la reprend de l’autre, en quelque sorte. C’est la raison pour laquelle il faut commencer par échanger, pour partager les bonnes pratiques. Les Ateliers de l’ADF s’inscrivent pleinement dans cette idée.

(question de Dominique Bussereau) Dans la future loi 3D, il y a la différenciation. On a demandé aux Départements dans quels domaines ils souhaitent être "expérimentateurs". Est-ce qu’il y en a un qui intéresse le Lot-et-Garonne ?

Il pourrait y en avoir trois. J’aimerais qu’on investisse le champ de l’économie sociale et solidaire. Je viens de prendre part à un colloque très intéressant en Gironde sur le sujet des solutions solidaires. L’économie sociale et solidaire s’inscrit dans la perspective de la transition écologique et énergétique mais il y a un problème, ce sont les Régions et les Agglos qui ont la compétence économique. Pourtant, c’est bien le Département qui est le chef de file des solidarités sociales. Il doit avoir un rôle à jouer dans l’économie sociale et solidaire qui est une véritable valeur ajoutée pour les territoires. Autre champ à investir, la santé et la démographie médicale. Nous l’avons constaté avec les médecins Buzyn, annoncés en plein milieu de notre réflexion départementale. Une meilleure concertation en amont aurait permis de mieux appréhender le problème. Enfin, je voudrais que le Lot-et-Garonne puisse se saisir de la prise en charge de l’aide sociale à l’enfance. Face aux situations d’enfants en grand danger, qui sont bien réelles, le Département peut être le bon échelon pour proposer de nouvelles structures innovantes.

 

Source: ladepeche.fr


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