Jordanie : quand les métiers font tomber les barrières du genre

Publié le 11/12/2020 | La rédaction

Jordanie

Le programme de formation professionnelle Tanmyeh a permis à une jeune habitante d’Amman d’exercer un métier perçu plutôt comme un métier d’homme : celui de boucher. Retour sur cette première plutôt rare en Jordanie et dans le monde arabe.

Neveen, 35 ans, mère de deux enfants, vit à Zarqa, au nord-est d’Amman, la capitale de la Jordanie. Elle a une formation d’infirmière mais, en entendant parler des formations du Business Development Center (BDC) sur Facebook, elle décide de s’inscrire. Pour « améliorer mes compétences et acquérir une expérience nouvelle en tant que femme dans le secteur industriel », explique la jeune femme. 

Le programme Tanmyeh, mis en place par le BDC et soutenu par l’Agence française de développement (AFD), s’efforce de combler le déficit de compétences et l’inadéquation de la main-d’œuvre dans le secteur manufacturier en Jordanie, mais aussi de renforcer le marché de la main-d’œuvre professionnelle et le développement des ressources humaines. Le secteur manufacturier contribuait pour 18 % au PIB jordanien en 2017 et constitue un secteur privilégié pour la stratégie du gouvernement jordanien visant à promouvoir la croissance et l’emploi. 

Tanmyeh a pour but d'aider 2 000 jeunes Jordaniens et réfugiés syriens à accéder à des emplois et à l'entrepreneuriat dans les pôles industriels de Zarqa, Irbid, Amman et les pôles d’entreprises d'Ajloun et de Jerash.

La formation et l’emploi des femmes au cœur du dispositif

Afin de favoriser l'accès au marché du travail de la grande majorité des Jordaniennes et réfugiées syriennes inactives, les centres industriels et entrepreneuriaux jordaniens misent sur cette formation professionnelle pour plus d’inclusion et de participation des femmes à la vie économique. 

C’est dans ce cadre que Neveen a suivi une formation et a choisi de devenir assistante bouchère dans une chaîne de supermarché jordanienne : « Ce travail m’intéresse parce que c’est spécial et nouveau pour une femme, mais aussi car cela encourage d’autres femmes à défier la communauté, cela leur montre ce que c’est que d’être autonome. »

Un modèle innovant, des résultats concrets

À rebours des modèles traditionnels de formation professionnelle en Jordanie, parfois insuffisamment adaptés aux besoins des entreprises, « le programme d’appui à la formation professionnelle et à l’emploi lancé par l’AFD avait initialement pour but de soutenir des projets renforçant l’employabilité des jeunes Jordanien-ne-s et Syrien-ne-s, dans une logique d’intervention s’appuyant avant tout sur la demande du marché privé », explique Shayan Kassim, directeur adjoint de l’AFD en Jordanie. 

Plus de 1 672 personnes ont déjà reçu une formation de compétences générales grâce au projet Tanmyeh, dont 844 qui ont suivi une formation professionnelle. 576 ont trouvé un emploi à l’issue de leur formation, dont Neveen. « Nous fournissons des formations en compétences générales pendant cinq jours, y compris les compétences de consolidation d'équipe, de communication, de gestion du temps et de résolution des conflits, détaille Emad al Shehab, responsable du projet Tanmyeh au BDC. Ensuite, trois jours de formation technique sont dédiés aux sujets de sécurité et d’hygiène. » 

Après cette première volée de formations, les participants s’inscrivent à une formation professionnelle sous la supervision d'un établissement accrédité pendant un ou trois mois, sur la base des compétences techniques requises pour le poste vacant disponible. Ils obtiennent également un certificat du Centre d’accréditation et d’assurance qualité (CAQA). Pour agencer les besoins et les demandes, le BDC mène une évaluation des compétences nécessaires par rapport aux opportunités d’emplois disponibles. Ensuite, la compagnie contacte les jeunes chômeurs âgés de 18 à 40 ans et présente les postes à pourvoir. 

« Le programme Tanmyeh mis en œuvre par le BDC dans le secteur industriel présente des résultats très satisfaisants en termes de formation et d’emploi des jeunes, avec un ancrage fort auprès des chambres de commerce locales et des associations commerciales, précise Shayan Kassim. Le BDC a fait preuve d’une grande adaptabilité face à la crise du Covid-19 avec un contact constant auprès des entreprises partenaires et des jeunes formés ou placés. Le projet teste actuellement un nouveau dispositif de formation en entreprise (On-the-Job Training) sur le modèle de l’apprentissage français, avec un mentor attitré dans chaque entreprise, tout à fait prometteur. » 

Adaptation à la crise sanitaire 

La crise sanitaire liée au Covid-19 a cependant eu un impact certain sur le programme : « Nous sommes confrontés à des défis tels que des fermetures d'entreprises, des reports de priorités. Nous cherchons à nous concentrer sur les industries nécessaires et non affectées telles que les industries alimentaire, médicale et chimique, analyse Emad al Shehab. Nous formons également les formateurs pour qu'ils soient en mesure de fournir une formation numérique, et modifions le matériel de formation pour qu’il soit utilisé en ligne. Pour la formation elle-même, nous utilisons une formation mixte et une formation Web pendant un certain temps, pour suivre les instructions du gouvernement et aussi pour protéger les participants. »

« Vu les bons résultats observés sur le projet, la qualité du partenariat du BDC avec l’AFD, et surtout les besoins évidents et continus du secteur pour stimuler l’emploi, l’AFD et le BDC travailleront ensemble en 2021 pour voir dans quelle mesure le programme pourrait être étendu à d’autres entreprises et d’autres secteurs, en prenant en compte les acquis et les enseignements du projet. Certaines initiatives pilotes actuellement testées pour permettre une montée en compétences progressives des jeunes formés dans l’emploi pourraient aussi être testées à plus large échelle », conclut Shayan Kassim. 

Pendant ce temps, Neveen s’intègre aisément dans son nouveau poste : « Je n’ai rencontré aucun problème avec ma famille et mes collègues : ils ont juste été étonnés à l’idée que je travaille comme assistante bouchère et, maintenant, j’ai tout leur soutien. Je me sens à l'aise dans ce milieu professionnel et j’aimerais poursuivre cette carrière pour occuper un poste de supervision à l'avenir. »

Source:    www.afd.fr/


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