Manger bio et local : le défi des cantines des écoles de l’agglomération de Rouen

Publié le 02/12/2019 | La rédaction

France

D'ici 2022, les cantines devront proposer au moins 20 % de produits biologiques. Certaines communes, comme Rouen, ont déjà anticipé la transition, mais d'autres doivent s'adapter.

Du nouveau dans nos cantines ! La loi Egalim, adoptée en 2018, oblige la restauration collective à introduire 50 % de produits de qualité et durables, 20 % de produits biologiques d’ici 2022, et au moins un repas végétarien par semaine, depuis le 1er novembre 2019.

Pour certaines communes de l’agglomération, comme Rouen ou Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime), la réflexion sur l’apport d’aliments biologiques ou issus de circuits courts pour nourrir les enfants a été amorcée il y a déjà plusieurs années. Mais d’autres communes commencent tout juste à s’intéresser à cette question, contraintes par le calendrier du gouvernement. Et font face à de réelles difficultés. Enquête.

Dans les écoles de Rouen : 67% d’aliments bio et local

Dans la cuisine centrale de Rouen, chaque matin, les agents se hâtent dans la légumerie pour laver et couper les produits bruts. Ils concoctent les 7 400 repas quotidiens, deux jours à l’avance. “Notre cuisine s’approvisionne à plus de 67 % en produits issus de l’agriculture raisonnée et biologique, avec le Label rougeBleu Blanc Coeur ou encore des achats en circuit court. Et sur ces 67 %, 29 % de produits sont uniquement biologiques », explique Dominique Maupin, directeur de la cuisine centrale de Rouen et Bois-Guillaume, satisfait de ces chiffres. De nombreux partenariats ont été réalisés avec des producteurs de la région, comme pour les lentilles, qui viennent de l’Eure, ou les pommes, toutes normandes.

C’est un retour aux sources pour le chef de production, Emmanuel Leprêtre, cuisinier de formation. Il y a une dizaine d’années, les fournisseurs livraient les produits préparés. Des produits industriels, avec moins de saveurs : « Aujourd’hui, on travaille les produits, comme par exemple les pommes de terre et les carottes pour faire de la purée. C’est plus sympa , même si nous sommes plus embêtés par le calibrage des aliments. » Et les professionnels doivent désormais respecter la saisonnalité des produits : au revoir tomates en hiver, bonjour pommes et poires d’origines diverses !

La municipalité de Rouen a impulsé cette dynamique dès 2011, et fait aujourd’hui partie du réseau « Mon restau responsable » de la Fondation pour la nature et l’homme, créée par Nicolas Hulot. Mais d’autres communes de la Métropole Rouen-Normandie emboîtent le pas.

En Normandie : peu d’exploitations bio

D’autres municipalités, moins importantes, doivent se conformer rapidement. À Sotteville-lès-Rouen, la conseillère déléguée à l’éducation et à l’alimentation durable, Eve Cognetta, fait l’état des lieux. Dans les écoles communales, « on est à 20 % de produits bio, nous ne sommes pas encore tout à fait dans les exigences de la loi Egalim », dit-elle, même si la Ville a été accompagnée durant plusieurs mois par l’association de producteurs Bio en Normandie. La Métropole prévoit d’ailleurs de débloquer 150 000 euros entre 2018 et 2020 pour les communes de l’agglomération qui ont besoin d’être guidées, notamment par Bio en Normandie et le réseau des CIVAM normands.

Eve Cognetta salue les efforts réalisés, mais pointe du doigt une difficulté majeure : « Nous avons peu de producteurs bio dans le coin, c’est insuffisant pour couvrir les besoins de nos 2400 couverts chaque jour. » La Seine-Maritime est à la peine, si l’on en croit la présentation de Marie Thomassin, de Bio en Normandie :

La surface des terres agricoles biologiques dans la région tourne autour de 5 % alors que sur le plan national, on se situe à 7,5 %. Ensuite, en Seine-Maritime, on tombe à 1,9 % et  à 1,8 % dans l’Eure, contre près de 7 % en Basse-Normandie.

Comment alors, approvisionner des milliers d’écoliers chaque jour, si la demande est plus forte que l’offre ? 

Un tout bio qui interroge

Le risque pour Daniel Demarcy, directeur de la restauration collective de Déville-lès-Rouen, est que la forte demande incite les petits producteurs normands à passer au tout industriel. « Il ne faut pas que nos producteurs locaux deviennent des industriels. Car aujourd’hui, on a oublié que nos paysans sont là pour nous nourrir ! « 

Et les industriels, sentant le vent tourner, proposent déjà des menus bio, tout préparés. « Peut-être que dans certains cas, il faut renoncer au bio. Acheter du kiwi qui vient de l’autre bout du monde, est-ce vraiment raisonnable ? », se questionne Eve Cognetta. 

« Budget restreint »

Manger bio et local, l’intention de l’État est certes louable, mais est-ce que cela coûte plus cher aux municipalités ? Pas pour Daniel Demarcy de la cuisine centrale de Déville-lès-Rouen : « À titre d’exemple : il nous faudrait 130 kilos pour un chou-fleur belge avec de longues tiges contre 90 kilos pour un chou français avec des tiges bien serrées. Nous sommes à 40 euros d’écart à la fin dans l’assiette. »

L’aspect financier pèse néanmoins pour la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf. La restauration scolaire propose seulement 5 % de produits biologiques, pour quelques fruits et légumes, selon le chef de service Christophe Duhamel : « C’est compliqué, car les budgets sont relativement contraints et restreints, avec des marchés publics où on ne fait pas ce que l’on veut. Lorsque nous allons renouveler le marché l’an prochain, nous allons mettre plus de bio dans les menus. Mais nous avons tout de même 50 % de produits issus du circuit court. »

Autre exemple : à Sotteville-lès-Rouen, le budget a augmenté de 60 000 euros pour l’achat de ces produits plus qualitatifs, mais plus coûteux. Pour la Ville de Rouen, le budget de fonctionnement a bel et bien augmenté, pour faire face à la charge de travail, mais le tarif pour les familles n’a lui, pas bougé.

Les problématiques, nombreuses pour les communes à l’heure de la transition à l’alimentation biologique et en agriculture raisonnée, ne manquent pas. Mais l’un des objectifs de la loi Egalim, qui est « de renforcer la qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits », permet aux plus jeunes de réapprendre le « bien manger ». Et les directeurs de restauration collective se sentent réinvestis d’une mission : apprendre aux enfants le vrai goût des aliments.

 

Source:  actu.fr


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