Interview exclusive avec Jombelek
Dans cet épisode de « Dialogue d’initiés », Nestor Hemlé, Directeur de publication de Jumelages et Partenariat, reçoit Jombelek, de son vrai nom Johanne Eli Ernest Ngo Mbelek. Auteur du livre controversé « La paix ! », Jombelek propose une réflexion audacieuse sur la notion de paix, remettant en question les idées reçues et les discours convenus. À l’occasion de la sortie de son ouvrage et en prélude au débat prévu le 07 juin 2025 (16h à 20h) à la librairie Tamery, cette conversation promet d’explorer des perspectives inédites sur la paix et ses implications dans nos sociétés contemporaines.
Jombelek
Autrice, voix libre et présence indisciplinée
Jombelek, de son nom complet Johanne Eli Ernest Ngo Mbelek, est une créatrice hors formats. Écrivaine, musicienne, actrice — elle navigue entre les disciplines comme entre les continents, traquant les failles du monde contemporain avec la rigueur d’une penseuse et la fièvre d’une artiste.
Son œuvre dérange autant qu’elle éclaire : elle ne caresse jamais le réel dans le sens du poil. Elle le confronte. Avec son dernier livre, « La paix ! », elle démonte, mot après mot, les illusions d’un concept sacralisé. Sa plume, dense et précise, refuse les consensus, préférant ouvrir des brèches que panser les angles morts.
Jombelek est née entre les mondes — et y a choisi sa place : au carrefour de l’Afrique rebelle, de l’Europe critique et d’une Amérique culturelle à double face. Elle se méfie des récits lisses, des étiquettes rassurantes, des postures “inspirantes”. Ce qu’elle cherche ? Une parole indocile, une beauté sans compromis, un art qui pense et qui griffe.
Le samedi 07 juin 2025 à la librairie Tamery (19 rue du Chalet, 75010 Paris) de 16h à 20h, elle ne vient pas “parler de paix”. Elle vient en débattre.
Nestor Hemlé
Directeur de publication
NH : “Être africaine”, est-ce encore un ancrage ou une provocation dans l’industrie culturelle mondialisée ?
Jombelek : Cela relève en effet de la provocation, lorsque l’on voit que la mondialisation lisse le monde et les différences culturelles, pour donner au plus grand nombre une soupe identitaire, qui finalement est indigeste pour tous.
NH : Ton art serait-il le même sans la colère ?
Jombelek : Je trouve la plupart de mes œuvres plutôt douce dans l’ensemble, si ce n’est le livre la paix qui pique les convictions d’une large majorité.
Cette colère doit encore trouver sa voix pour mieux s’exprimer et se faire entendre, rien n’est montré, encore…
NH : Quel est le mensonge qu’on te demande le plus souvent de raconter en tant qu’artiste noire ?
Jombelek : En tant qu’actrice, chaque mot, chaque rôle est une vérité pour quelqu’un, du coup le mensonge n’y trouve pas sa place en fonction du message à transmettre. La propagande en devient juste le souhait ou l’expression de celles et ceux qui ont les moyens de l’exprimer, mais comme pour toute vision ou point de vu, ne peut être la solution ou vérité de la totalité de la population.
NH : Pourquoi refuses-tu d’être ‘inspirante’ ?
Jombelek : Je ne savais pas que c’était un refus. Présenté comme cela, ça revient à me demander pourquoi je ne veux pas me faire puiser, ce qui en tant qu’artiste que je suis est plutôt légitime.
NH : Dans “La paix !”, tu dis que la paix est une illusion — est-ce une déclaration de guerre ?
Jombelek : Mais c’est la brandir, faire appelle à elle qui est une déclaration de guerre, vous devez lire mon livre.
C’est une déclaration de lucidité. La paix qu’on nous vend est souvent une mise en veille des luttes. Moi, j’ouvre l’œil autant que possible. Et j’invite chacun à faire de même.
NH : Et si la paix n’était qu’un luxe pour ceux qui ont déjà conquis ?
Jombelek : C’est pire que cela. On nous dit : “restez calmes”, pendant qu’on continue de prendre, de puiser, de définir nos futurs à notre place. Je ne veux pas d’une paix qui est une camisole. Je veux une justice qui hurle et qui construit.
NH : Ta vie semble circuler entre les disciplines, les langues et les continents. Où est “chez toi” ?
Jombelek : Beaucoup me le demandent pour venir squatter lol!
NH : Es-tu plus proche d’une griotte ou d’une hackeuse ?
Jombelek : Je vois que votre regard va plus loin que la première apparence, la griotte compose avec ses ancêtres, la hackeuse puise dans l’existant. Dans les deux cas, c’est plutôt un travail de fond qui me préoccupe, pour rester dans une dynamique de diversité et d’enracinement culturel, par le maintien et la revendication de la différence donc le communautarisme, ce qui n’est pas forcément évident dans un pays comme la France.
NH : Est-ce que le voyage est encore un espace d’émerveillement, ou un privilège qui t’oblige ?
Jombelek : C’est là que l’on revient sur la problématique de la mondialisation. Que j’aille à New York, Paris ou Londres, je ne peux pas me perdre, même si l’architecture diffère et le dépaysement est amoindri par une homogénéisation des structures, des coutumes et des rites.
J’aimerais que le monde reste pluriel et que chacun soit plus libre de choisir d’être ce qu’il est. Nous n’avons pas à devenir des clones des uns et des autres. Et c’est valable pour les personnes comme pour les villes.
NH : Qu’est-ce qui t’énerve le plus dans les milieux “créatifs” ?
Jombelek : Le détournement. Le milieu créatif ne s’exprime pas assez à mon gout. Au lieu de faire des guerres pour exprimer des problématiques parfois externes, une pièce de théâtre qui explique un point de vu, un film qui aborde des problématiques difficiles, est plus constructif et ludique.
NH : Tu as joué dans “Diamondz are 4eva” — que restent-ils de ces diamants une fois la caméra éteinte ?
Jombelek : Je dois dire que le script est très bien écrit, donc fière d’y avoir participé. Ce film est comme une fenêtre sur le monde politique ou les interactions sociales, chacun a son plan de son côté et si on ne prend pas garde, on va tous crever.
NH : Comment s’est déroulé le tournage de ce film, et quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?
Jombelek : Incroyable. Toute une équipe d’acteurs talentueux et de techniciens très efficaces au regard des conditions.
Ont était vannés le dernier jour de tournage, toute œuvre nécessite des efforts, dans le cinéma comme dans la musique l’aboutissement de l’œuvre et/ou de l’événement n’est jamais de tout repos.
NH : Penses-tu qu’on peut encore créer quelque chose de nouveau aujourd’hui ?
Jombelek : Chaque seconde qui passe est nouvelle. Le problème malgré le « déjà vu », c’est l’ennui qu’il génère, mais ça reste quelque chose de nouveau, pas le même lieu, pas les mêmes personnes, pas les mêmes dates.
Mais il est certain que l’on ne peut pas vivre ce monde comme un concert de gospel ou l’on chante toujours les mêmes chansons à des lieux et des personnes différentes.
NH : Écrire que “la paix n’existe pas”, c’est révéler un secret ou allumer un feu ?
Jombelek : C’est une vérité que tout le monde doit comprendre, il faut lire le livre et venir en débattre.
NH : La paix comme mythe occidental, ça dérange qui selon toi ?
Jombelek : Ça dérange tout le monde, de manière consciente ou non. Après il y a ceux qui en jouent ou qui interrogent. Mais je n’ai jamais vu de paix qui soit en véritable accord avec l’équité ou la justice.
NH : Pourquoi choisis-tu de débattre ce sujet en librairie et non dans les médias ?
Jombelek : Parce que l’on ne m’a pas encore invitée ! Lol.
NH : Dans votre livre « La paix ! », vous remettez en question la notion même de paix. Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire sur ce sujet ?
Jombelek : Une contrariété avec des féministes. Lol
NH : Comment espérez-vous que les lecteurs réagissent à votre ouvrage et à ses thèses provocantes ?
Jombelek : J’espère surtout qu’ils réagissent, qu’ils réfléchissent, qu’ils remettent en question ce qu’ils pensent savoir.
NH : Le débat prévu le 07 Juin 2025 de 16h à 20h à la librairie Tamery portera sur votre livre. Qu’attendez-vous de cette rencontre avec le public ?
Jombelek : L’opportunité d’échanger et d’aborder des problématiques réelles, ça a l’air d’être une provocation, mais il faut que chacun puisse s’exprimer pour pouvoir évoluer, c’est l’occasion de le faire.
NH : Votre livre s’intitule « La paix ! » avec un point d’exclamation. Que symbolise cette ponctuation dans le contexte de votre message ?
Jombelek : Plusieurs choses et applicable à plusieurs contextes au regard de ce que j’en dis. Mais un point d’interrogation est peut-être nécessaire.
NH : La paix est souvent associée à des valeurs universelles. Comment votre livre remet-il en question cette universalité ?
Jombelek : Universel est un autre terme qui mérite réflexion et sur lequel débattre.
NH : Enfin, quel message souhaitez-vous transmettre à vos lecteurs à travers « La paix ! » ?
Jombelek : Réveillez-vous.
Interview réalisée par Nestor Hemle
Directeur de publication de Jumelage et partenariat.
Paris (France), en Avril 2025
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