Bénin/Intercommunalité : « …les communes du Borgou ensemble autour de Adecob peuvent valoriser la culture et le tourisme » selon sa Majesté Yawakina II

Publié le 06/01/2022 | La rédaction

Bénin

Il a pour nom Aboubakari Séro YERIMA, à l’état civil. Lui, c’est le roi de la commune de Sinendé. Après ses études primaire et secondaire respectivement à l’EPP Abdoulaye Issa et au Lycée Mathieu Bouké de Parakou, il poursuit ses études universitaires pour finir titulaire d’une maitrise en Sciences économiques option Management des organisations obtenue à l’Université d’Abomey Calavi adoubée d’un master en Management des projets. Ancien maire de la commune de Sinendé et ancien président de l’Adecob, aborde avec votre journal d’informations en ligne www.jumelages-partenariat.com plusieurs questions : perte de l’influence des rois dans une société de plus en plus extravertie, guerre de préséance entre les têtes couronnées et les maires, retour des trésors royaux, la réforme dans le secteur de la décentralisation, les grands défis de la commune de Sinendé et de l’Adecob…

www.jumelages-partenariat.com: comment se porte la commune de Sinendé ?

Aboubakari Séro YERIMA, sa Majesté Yawakina II : Je dirai que Sinendé se porte au mieux. Sinendé se bat pour répondre aux exigences de la Décentralisation et du développement pour se mettre dans le giron des communes qui satisfont aux  besoins de leurs populations.

Quels sont les grands défis auxquels la commune de Sinendé est confrontée ?

Je dirai premièrement que c’est la mobilisation des ressources propres car sans cela, aucune commune ne peut véritablement impulser le développement de son territoire et satisfaire les besoins de ses populations. Comme second défi, il faut compter comme grand défi de la commune de Sinendé l’encadrement de la jeunesse. Si la jeunesse est encadrée, elle va pouvoir exprimer au mieux les potentialités raisonnables qui s’y trouvent pour son émergence. En troisième position Sinendé a réduit l’impraticabilité des pistes rurales mais il en faut davantage car comme on dit, le la route du développement passe le développement de la route. Il faudrait que nous pensions à la réhabilitation voire même l’ouverture de pistes au niveau de la commune. Nous avons la chance que le gouvernement de son excellence Patrice Talon est entrain de faire son bonhomme de chemin par rapport au bitumage de la route Guessou Sud-Forbouré ; Fobouré-Sinendé l’axe principal qui traverse la commune du nord au sud donc sur sa moitié et nous souhaitons aussi que le reste de la moitié soit réalisée pour que nous ayons un ouf de soulagement par rapport à cela. Par ailleurs il faut que la commune de Sinendé procède à une évaluation raisonnable et juste du potentiel fiscal des ressources propres et pouvoir sensibiliser les populations pour exploiter au mieux ce potentiel là ; ce qui va nous permettre de pouvoir mobiliser beaucoup de ressources comme je viens de le dire. De plus, il faut procéder à une réalisation des infrastructures sociocommunautaires et économiques. Il s’agit des écoles comme cela se faisait, les centres de santé, les centres d’émulation de la jeunesse. Ca leur permet quand même de se dégourdir et de pouvoir laisser les jeux malsains que nous constatons aujourd’hui. Enfin, comme action, il y l’amélioration de la sécurité en général pour la mobilité des personnes et des biens mais aussi la sécurité alimentaire. Mais nous pensons à ce niveau que Sinendé est autosuffisant.

Les têtes couronnées au Bénin ont perdu leur prestige d’antan. Modernisme ou simplement perte de valeurs, qu’est ce qui explique la perte de l’influence des rois sur leurs communautés ?  Que pensez vous qu’on puisse faire pour restaurer nos valeurs dans une société de plus en plus extravertie ?

Vraiment ! C’est une question cruciale : modernisme ou simple perte de valeur ? Je dirai les deux parce que depuis les temps anciens, le temps colonial, le colon a pris les dispositions pour enterrer tout ce qui est de la tradition, bannir même la royauté ce qui fait que nous constatons tout ce qui se passe. Dans les temps coloniaux, les rois ont eu des têtes coupées ; ils ont dit que tout ce qui est traditionnel est satanique, il faut saccager, profaner tout ce qui est tradition et cela continue jusqu’à nos jours mais un éveil, une prise de conscience est entrain de se réaliser progressivement. Du côté de l’éducation également, notre système éducatif tire son origine du temps colonial. Si nous faisons une comparaison avec les pays anglophones tels que le Nigéria et le Ghana, ce n’est pas la même chose. Chez eux, c’est encore mieux que ce que nous constatons à propos des têtes couronnées dans les pays francophones. Modernisme aidant, la jeunesse étant formatée par rapport à un système donné, on trouve que tout ce qui est de nos coutumes, il faut mettre ca au second plan. Même nos envies alimentaires, vestimentaires etc…on constate qu’il faut porter ce qui vient de l’extérieur et comme vous l’avez dit, on assiste à une société extravertie. Donc pour revenir à la problématique et remonter cette pente, il faut changer notre mentalité, notre manière de penser et voir même dans le système éducatif, les éléments sur lesquels nous pouvons intervenir. Si nous prenons des pays tels que la Chine et l’Inde qui étaient au même niveau de développement que nos pays d’Afrique francophone, vous voyez comme ils ont pris leur tradition à bras le corps, ils sont repartis sur leurs valeurs endogènes. Je pense que même les pays occidentaux ont peur de ces pays là aujourd’hui.

Nous avons longtemps assisté à la guerre de préséance entre autorités traditionnelles et les autorités politico-administratives, les élus qui semblent l’avoir définitivement remporté. En tant que ancien édile de la commune de Sinendé et aujourd’hui tête couronnée, quels devrait être les rapport entre le maire et le roi pour une parfaite gestion de la commune ?

Personnellement, c’est pour ceux qui ne comprennent pas qui croient que c’est une guerre entre les élus et les chefs traditionnels. Mais pour qui comprend devrait savoir que cela est ainsi parce que les maires aujourd’hui sont des autorités politiques dit publiques ; cela vient des politiques de développement insufflées par le colon qui, déjà, a pris les dispositions pour enterrer tout ce qui est de la chefferie traditionnelle. Il va s’en dire que, étant donné que le colon a souhaité, dit et martelé que les chefferies traditionnelles sont en second plan et que c’est l’autorité politique qui est supérieure, je dis que ce n’est pas une guerre. Mieux encore le roi a un mandat illimité tandis que le maire a un pouvoir avec un mandat limité. Nous connaissons en Afrique particulièrement au Bénin surtout dans le septentrion et spécifiquement dans le Borgou, le poids de la tradition dans la gestion de la cité. Les maires sont parfois obligés de faire recours aux têtes couronnées pour le règlement de certaines situations. D’ailleurs depuis quelques années, certains partenaires techniques et financiers sont entrain d’impliquer les têtes couronnées dans leurs activités pour avoir des résultats plus  probants ; cela explique le rôle et la position que doivent occuper les chefferies traditionnelles dans le processus de développement. Quant à moi, je pense que les rapports entres les deux  doivent être complémentaires. Les deux doivent se concerter régulièrement. Ils doivent pouvoir se consulter régulièrement pour s’expliquer les enjeux de développement et pour juguler les défis qui se présentent à eux. Si je prends mon cas par exemple, lorsque j’étais maire il n’y a pas eu de problème avec les têtes couronnées de toute la commune. Il y a un respect total et je contribue à l’émulation des chefferies traditionnelles. Il y avait même des lignes inscrites pour les appuis qu’on peut leur apporter. Je crois que ca continue dans certaines communes. Donc ce n’est pas une guerre, les maires et les rois doivent se mettre ensemble pour penser le développement de la commune. Car tous les deux veulent le bien être de leur population.

Vous avez été président de l’Adecob, quelle est, selon vous, la pertinence de cette Association dans le développement des communes qui la composent ?

L’Association pour le développement des communes du Borgou (Adecob) où j’ai été président durant trois années, si elle n’existait pas, disons qu’on devait la créer et comme elle existe, sa pertinence n’est plus à démonter. C’est une Assocation qui a été refondée en 2008, en Décembre 2008 si j’ai bonne mémoire après sa création au lendemain des élections municipales et communales de 2003-2004. Dès sa refondation, elle a dit qu’elle devrait être en mesure d’amener les communes du Borgou à coopérer. Cela veut dire mettre les communes du Borgou ensemble et mutualiser leurs efforts. Depuis dix (10) ans, je pense que l’Adecob agit principalement dans le domaine socioéconomique de la région du Borgou et s’est donnée un certain nombre de domaines phares sur lesquels elle devrait pouvoir intervenir. Premièrement, c’est la maitrise d’ouvrage communal et à ce niveau l’Adecob procède au repositionnement des communes pour les mettre au cœur de la satisfaction des besoins des populations, de l’offre de services publics aux populations, ce qui est très important. Deuxièmement l’Adecob s’est mise à la mobilisation des ressources propres ceci par un renforcement de capacités des communes et également elle agit d’une manière ou d’une autre sur l’amélioration du cadre d’évolution des opérateurs privés et du cadre de vie des populations. Vous savez que c’est le privé qui promeut beaucoup plus l’économie. Donc Adecob agit dans cette dimension.

Nous avons aussi l’aménagement du territoire où l’Adecob agit en anticipant en quelque sorte sur les transformations que peuvent subir le peuplement urbain et rural dans le Borgou. Vous voyez, la population d’il y a cinq (5) ans n’est plus la même que celle que nous avons aujourd’hui. Donc il faut faire des projections pour une bonne planification. Donc elle y pense pour une bonne répartition de l’espace et du cadre de vie au niveau des communes. Il y a aussi que l’Adecob agit sur la promotion de l’intercommunalité pour mutualiser les efforts des communes du Borgou et les ressources humaines, économiques et financières dont disposent ses communes là pour une meilleure exploitation desdites ressources au profit des populations. En dernière position je peux citer le leadership féminin. Adecob agit sur tous les domaines qui permettre l’émulation des femmes, pour les placer au cœur des centres de décision et également poursuivre une autonomisation financière et économique de ces femmes là. Et si vous observer bien ces domaines abordent presque tous les aspects socioéconomiques des communes du Borgou.

On retient de votre réponse plusieurs acquis cependant tout n’est pas parfait. Il y a certainement des défis : lesquels selon vous ?

En dehors des acquis que j’ai cités, permettez-moi d’abord d’ajouter d’abord quelques uns. L’Adecob dispose aujourd’hui d’un siège. Ce qui est très important au niveau de l’Adecob, c’est la gouvernance démocratique. Depuis 2008 la refondation, l’Adecob n’a jamais retardé l’organisation d’une assemblée générale et n’a jamais trainé les pas sur les changements qu’il doit avoir dans les organes. C’est important dans une Association. Ensuite nous avons eu un renforcement de capacités des communes surtout en matière de mobilisation de ressources, de gouvernance ; ce qui fait que beaucoup de communes aujourd’hui, on amélioré leur méthode de gouvernance. Adecob a même créé un prix de bonne gouvernance et les communes rivalisent pour être les meilleures. Et au plan national ; il y a des rangs qu’occupent certaines communes du Borgou. En 2019, sept (7) des huit (8) communes du Borgou étaient dans le Top 20. Ca veut dire que l’Adecob fait du bon travail.

En termes de défis, il y en a beaucoup mais comme principal défi il faut renforcer la gouvernance démocratique qui est un défi de tous les temps. Parce que les gens changent au jour le jour mais il faudrait que le cap soit maintenu. Second défis, vous constatez qu’il y des réformes aujourd’hui avec l’acte II de la décentralisation l’Adecob doit se mettre au pas, réfléchir ou s’adapter à ces nouvelles réformes. Aussi, ces réformes vont demander des repositionnements au niveau des communes. Adecob doit porter des réflexions sur ces thématiques là et pouvoir concilier les exigences de cette réforme aux politiques des Ptfs car chaque Ptf vient avec sa politique et si éventuellement il n’y a pas concordance à des moments donnés, il faut agir pour savoir comment capter les fonds extérieurs qui vont pouvoir aider à la réalisation d’un certain nombre de choses. En dehors de ca, on peut se mettre sur la dimension de la capitalisation des connaissances car qui ne capitalise pas ses connaissances risque de reprendre la roue un jour. Il faut que l’Adecob capitalise donc les connaissances surtout dans le domaine de la mobilisation des ressources où Adecob procède déjà à la diversification des Ptfs.

Parlant de mobilisation de ressources, sur le plan de l’art, la culture et le tourisme, il y a beaucoup à vendre mais qu’est ce qui cloche réellement et qu’est ce que l’Adecob peut faire pour rendre les communes du Borgou culturellement et touristiquement attractives ?

C’est une question très forte ! Ce qui cloche dans ces domaines, c’est que nous n’avons pas le goût de la culture, nous n’avons pas le goût du tourisme. Et voyez vous, la culture et le tourisme reposent beaucoup plus sur les valeurs endogènes qui avaient déjà été détruites. Ca veut dire que le peu qui existe, nous devons en faire une évaluation. Je crois que l’Adecob l’a déjà fait dans les années 2012-2013, une évaluation des sites et des potentialités touristiques dans le Borgou et il y a même un  circuit touristique qui a été tracé en ce moment. Ce qui reste à Adecob, si cela n’est pas encore fait, c’est d’aménager ces sites là, voila que le tourisme mobilise beaucoup de ressources. Même les huit communes du Borgou peuvent elles supporter les investissements touristiques dans le Borgou ? Si oui c’est bien sinon Adecob devait commencer à faire un plaidoyer auprès de l’Etat pour qu’il prenne en compte cette dimension dans là dans le Borgou. C’est une première possibilité. La deuxième c’est que, avec les réformes dans la décentralisation, il y a le Fonds d’investissement communal qui va remplacer le Fadec. Le Fic peut permettre aux communes d’aller capter les ressources sur les marchés à l’international. Ca veut dire que de bonnes études réalisées dans le domaine touristique et culturel, les communes du Borgou ensemble autour de Adecob peuvent valoriser la culture et le tourisme.

Deux réactions : l’une sur le retour des trésors royaux et l’autre sur l’acte II de la décentralisation principalement le retrait de l’ordonnancement du budget au maire.

Merci bien ! Le retour des trésors royaux est un ouf de soulagement et cela démontre la volonté politique de nos gouvernants à valoriser sinon à revaloriser notre culture. Et je m’en vais dire que ça montre le bien fondé de l’élan que le président Patrice Talon a pris en faisant un clin d’œil aux chefferies traditionnels pour sa prise en compte dans la constitution. C’est une volonté affichée et je pense que ces trésors qui sont revenus, cela veut dire que nous avons de  la matière artistiquement, culturellement et touristiquement. C’est une fierté et un sentiment d’encouragement et de félicitation au président Talon.

En ce qui concerne la réforme structurelle dans le secteur de la décentralisation principalement pour ce qui est du retrait de l’ordonnancement budgétaire aux maires. Disons que ces réformes n’enlèvent en rien l’autonomie locale qui était déjà prévue dans les textes de la décentralisation. Personnellement je trouve que c’est une réforme salutaire. Ce dont vous parlez est une séparation de pouvoirs ; c'est-à-dire que le maire était seul à être l’autorité politique, administrative et exécutive. C’est l’exécution seule qu’on lui a retiré pour le remettre à une autre autorité qui, le Secrétaire exécutif qui est un autre organe au sein de la commune. Mais si vous remarquez bien, ce secrétaire exécutif est, d’une manière ou d’une autre, sous le maire. Disons que tout n’est pas rose à ce niveau. La réforme est venue pour dynamiser les communes qui doivent démontrer leur capacité à pouvoir impulser le développement dans leur localité respectives. Le maire est élu et sous lui il a un certain nombre de conseillers. Ce que moi j’allais souhaiter, c’est que le SE étant recruté dans une base de données au niveau national, après tirage au sort des trois personnes prévues, il faudrait qu’on permette au maire de faire son choix parmi les trois candidats. On peut organiser cela sous la forme d’un entretien puisqu’il y a le conseil de supervision que le maire préside. Parce que selon la loi, la commune doit être administrée librement et d’ailleurs ce sont les communes qui faisaient leur recrutement seulement qu’il y avait de la fantaisie. Maintenant, si l’Etat veut intervenir pour situer les responsabilités, il n’y a pas de problème. C’est vrai que les relations entre le SE et le maire sont essentiellement fonctionnelles. Pourquoi ne pas donner la possibilité au maire d’évaluer le SE et si possible de le révoquer en cas d’insuffisance de résultats. Ca va dénoter un peu de l’autorité du maire pour qui la majorité a voté et qui représente toute la commune. C’est un avis personnel.

Autre chose, remarquez que le préfet qui est l’autorité de tutelle a un niveau donné agit à a fois comme juge et partie. Dans le processus de révocation du SE, on dit que le préfet peut siéger au conseil de supervision. S’il est autorité de tutelle, qu’il soit autorité de tutelle et que la procédure engagée par le maire pour la révocation du SE soit conduite entièrement par les organes de la mairie et là le préfet peut agir comme d’habitude en tant que contrôleur et juge. Voilà quelques observations que j’ai par rapport à ce sujet. Le retrait du budget n’entrave en rien le développement au contraire cela va même permettre au maire d’aller sur d’autres fronts mais c’est là qu’il faut outiller le maire car je n’ai vu nulle part dans le document là où il est prévu un budget de communication pour le maire alors qu’il doit beaucoup communiquer administrativement mais politiquement aussi. Même dans la mobilisation de ressources il a besoin de communiquer. Le SE ne peut pas réussir sa mission sans le maire et les élus locaux, il faut qu’on donne des ressources au maire. Il y a des exemples qu’on peut citer dans certaines communes au Bénin où c’est l’autorité du maire qui a prévalu dans la mobilisation des ressources propres.

Quel est votre mot de fin ?

Comptons sur nos propres forces avant que les autres ne viennent nous aider. Mon appel à l’endroit des populations toutes catégories confondues, c’est que nous devons nous mettre ensemble autour des autorités locales pour réussir le développement.

Interview réalisée par Irédé David R. KABA


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