France/ Cabinet médical, subventions, coworking... comment les collectivités espèrent attirer les urbains

Publié le 15/08/2021 | La rédaction

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On les croyait ringardes, elles tiennent leur revanche ! Pour attirer les urbains rincés par les confinements, les petites villes rivalisent de mesures efficaces.

«Comment puis-je vous aider?» Il est comme ça, Michel Valla. Dès qu’il entend parler d’un entrepreneur cherchant à s’implanter dans la vallée du Rhône, il s’empresse de le recevoir dans sa mairie de Privas (Ardèche) pour cerner ses besoins. «Des bureaux, un terrain, une zone de stockage, un comptable, un rendez-vous à la préfecture, un logement pour vos collaborateurs, une place d’école pour vos enfants?» Fin mars 2020, cet empressement a convaincu Yann Noce d’installer la filiale française des marques Santa Cruz Bicycles et Cervélo dans cette bourgade de 8.300 âmes, à 40 kilomètres de Valence. «J’ai déjà recruté six collaborateurs, dont plusieurs Parisiens qui comme moi ont trouvé de jolies maisons dans les villages alentour et viennent travailler... à vélo, bien sûr!», se réjouit ce quadragénaire qui a fait ses classes chez Decathlon. Aussi, Michel Valla se frotte les mains. «Ces nouveaux venus, c’est autant de boulot pour nos artisans et nos commerçants.»

Notre élu ardéchois n’est pas le seul à faire ce calcul. «Dès le premier confinement, beaucoup de maires ont perçu que l’attirance des habitants des métropoles pour les petites villes allait durer et qu’il fallait l’accompagner», observe Xavier de Mazenod, fondateur du think tank Zevillage, installé dans l’Orne. Bien vu. Cadres ou indépendants pouvant télétravailler, ex-salariés en reconversion, entrepreneurs en quête de nouvelles opportunités… ils sont de plus en plus nombreux à vouloir concilier vie professionnelle et qualité de vie. «Pas question de louper le coche!», s’enthousiasme Philippe Le Goff, maire de Guingamp (Côtes-d’Armor). La bonne recette pour attirer ces urbains en mal de vert? «Un subtil mélange de dynamisme et de douceur de vivre», résume Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France.

Bien sûr, sauf à ne vouloir attirer que des éleveurs de chèvres ou des profs de yoga, mieux vaut au départ cocher certaines cases. La première? Un immobilier de charme à un prix encore abordable comme on en trouve à La Rochelle, Annecy, Saint-Nazaire, Arles, Poitiers, Angoulême, Laval, Reims… «On a troqué un 100 mètres carrés à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) pour une maison de 160 mètres carrés et 500 mètres carrés de jardin à cinq minutes à pied du port», témoigne Julie Couston, installée à Vannes, dans le Morbihan. Ex-contrôleuse de gestion, elle a vite retrouvé un poste de direction financière dans une PME locale.

Ensuite, la gare TGV doit être à moins d’une heure. Indispensable pour se rendre au siège de sa boîte quand on est en télétravail, ou pour les rendez-vous d’affaires quand la sienne est en province. Comme la start-up SereniTrip (assurances auto pour des locations partout dans le monde) installée à Laval (Mayenne). «En 1h10, nous sommes dans les bureaux de notre incubateur à Montparnasse», racontent ses deux fondateurs Alexandre Houizot et Alice Champenois. Mieux vaut aussi disposer d’un bon réseau Internet. «Depuis que la ville est entièrement “fibrée”, les demandes d’installation s’accélèrent», confirme Nathalie Nieson, maire de Bourg-de-Péage (Drôme) qui attire de plus en plus de Lyonnais.

Autre incontournable pour les communes lancées dans la chasse aux cadres: la proximité des services publics, notamment les écoles. «On n’est pas partis d’Ile-de-France pour passer des heures en voiture! Ici, tout est à un quart d’heure», apprécie Aurélien Cunin qui a quitté Montigny-le-Bretonneux (Yvelines) pour Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), où il a installé son entreprise Wheeldogs Consulting (conseil en innovation digitale). Et si la nature est proche et le patrimoine de qualité, alors là, c’est bingo!

Comme le font ses collègues de Paimpol (Côtes-d’Armor), Chinon (Indre-et-Loire), Auch (Gers) ou Vaison-la-Romaine (Vaucluse), le maire d’Autun (Saône-et-Loire) n’oublie jamais de vanter ces atouts auprès de potentiels arrivants. «Le parc naturel du Morvan est à la sortie de la ville et notre cathédrale Saint-Lazare du XIIe siècle est classée parmi les plus belles de France», leur rappelle Vincent Chauvet, un HEC de 32 ans revenu de Paris pour retrouver sa terre natale, aux commandes de cette bourgade (14.000 habitants) depuis 2017.

Mais il n’est pas dupe, notre jeune maire. Pour attirer les urbains, remplir ces conditions est nécessaire, mais pas suffisant. «Si j’ai gagné 250 habitants en 2020, c’est aussi parce que je les bichonne!», plaisante-t-il. En leur offrant d’abord un centre-ville rénové avec un large choix de commerces. A Autun, dès qu’un local est vacant, la ville le loue à son propriétaire puis le sous-loue à moitié prix au nouveau commerçant. «En dix-huit mois, on a ainsi ouvert 10 boutiques», se félicite Vincent Chauvet.

Dans l’Yonne, le maire de Joigny (9.600 habitants) a carrément racheté les murs de plusieurs magasins de la rue principale pour les louer gratuitement les six premiers mois. «On a déjà attiré une librairie, un torréfacteur, une épicerie fine et une boutique de vêtements», se réjouit Nicolas Soret. Dans l’Aveyron, pour éviter la fermeture de la seule épicerie-boulangerie du village, le maire de Cornus s’est montré plus généreux encore: un local communal gratuit, un véhicule à disposition pour les livraisons et 1000 euros par mois pour tenir aussi l’agence postale. Gagné! Début avril, deux jeunes montpelliérains, Loïc et Mélanie Micheli, ont repris le magasin.

A Laval, la communauté d’agglomération loue ses propres bâtiments à des prix imbattables: 5 euros le mètre carré, contre 450 euros en moyenne à Paris! Au Mans, on pense même aux conjoints: «une cellule ad hoc les accompagne gratuitement dans leur recherche d’emploi», détaille Patricia Charton, présidente de Le Mans Développement. Tout comme à Figeac (Lot) ou à Aurillac (Cantal).

Ailleurs, ce sont les télétravailleurs à qui l’on déroule le tapis rouge. Direction le Gers, cette fois, où la CCI a monté le programme Soho Solo (Soho pour Small office home office), dont l’épicentre est la pépinière Innoparc d’Auch (23.000 habitants). Aide à l’installation, validation du projet professionnel, recherche de financements, réunions d’échange, site Internet dédié… Ce dispositif rassemble déjà 350 membres, dont 70 travaillent dans l’audit ou le conseil et 57 dans les technologies Internet. De plus en plus de collectivités locales ouvrent aussi des «tiers-lieux», ces espaces hybrides où l’on peut trouver des bureaux en coworking, un campus connecté, des ateliers, des salles de réunion, de la restauration...

On en comptait 1.800 en 2018, dont 800 hors métropoles. «Mais depuis un an, le nombre de projets explose», observe Dominique Valentin, fondateur de Relais d’entreprises, un réseau qui propose des bureaux partagés dans des locaux municipaux. Comme à Chamblay, dans le Jura, où l’on trouve des occupants plutôt... inattendus. Catherine Dureau, par exemple. Parisienne pur jus, un bureau cossu à deux pas de l’Etoile, cette avocate d’affaires réside désormais trois semaines par mois dans sa résidence secondaire. Mais il n’était pas question d’y travailler. Dans son métier, «on se rend à son cabinet», plaisante cette spécialiste du droit des contrats. Alors, quand, en août dernier, la communauté de communes lui a proposé un bureau en coworking avec sept autres locataires pour 170 euros par mois, elle n’a pas hésité. Ses clients lui en ont-ils voulu? «Pas du tout, quand j’ai besoin de les voir, je regroupe tous mes rendez-vous la semaine où je suis à Paris.» Un trajet qui ne lui prend que 2h30 en TGV depuis la gare de Mouchard, à dix minutes de chez elle. «Le vrai choc, quand j’arrive place du Trocadéro, c’est le café à 6 euros.» On la comprend.

L’exemple de Joigny, dans l'Yonne

Difficile à suivre, Nicolas Soret. Quand il a décidé de vous montrer tout ce qui rend sa bourgade de près de 10.000habitants de plus en plus sexy, ce maire PS a le pas rapide. Les cibles de cette ambitieuse opération séduction conduite depuis un an ? Des cadres en télétravail n’allant plus à Paris que de temps en temps –la capitale est à 1h10 en TGV, avec un train toutes les heures ; des salariés en reconversion ou des jeunes retraités désireux d’ouvrir des chambres d’hôtes, un café, une brocante… pour les locaux mais aussi pour les touristes, nombreux dans cette région du nord de la Bourgogne ; des entrepreneurs préférant faire grandir leurs jeunes pousses au vert. Seul hic : «Le marché immobilier est en surchauffe, il n’y a plus rien à vendre, même en coeur de ville où j’avais encore un taux de vacance de 25% en 2019», constate Nicolas Soret.

Comme La Roche-sur-Yon, de plus en plus de villes font leur pub

Placardée à l’automne dernier dans le métro parisien, la campagne de cette ville vendéenne à trois heures de TGV de la capitale n’est pas passée inaperçue. La cible était claire: les jeunes actifs franciliens et leurs familles, essorés par des mois de confinement. «Nos PME cherchent désespérément de la main-d’œuvre qualifiée, tout comme les start-up du numérique installées dans notre pépinière La Loco numérique», souligne le maire (Divers Droite) de La Roche-sur-Yon, Luc Bouard. La facture de ce coup de pub? «Près de 40.000 euros, mais les retours ont dépassé nos attentes», assure l’élu vendéen. Les départements s’y sont mis aussi. Et même les plus ruraux. Lancée à l’été 2020, la campagne «Essayez la Nièvre» aurait suscité l’intérêt de quelque 580 candidats à l’installation.

Source:    www.capital.fr


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