France/Interactions des modèles agricoles : vers une nouvelle vision du développement territorial

Publié le 10/05/2021 | La rédaction

France

Comment les différents modèles agricoles interagissent-ils entre eux ? Quel est l'impact de ces interactions sur le développement territorial ? Voilà les questions centrales de l'ouvrage Coexistence et confrontation des modèles agricoles et alimentaires, un nouveau paradigme du développement territorial ? Dans ce livre écrit à plusieurs mains, des spécialistes des systèmes alimentaires et de l'évolution des territoires nous invitent à observer le développement territorial sous un autre angle et à inventer des gouvernances plus durables. Un point de vue qui a toute son importance à l'approche du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires prévu en septembre prochain.

Fruit du travail interdisciplinaire de 36 chercheurs de France et de l'étranger, cet ouvrage s'attache à mettre en lumière les nombreuses interactions qui existent entre les différents modèles agricoles et alimentaires. Il représente l'aboutissement du projet Format, financé par le métaprogramme GloFoodS, qui s'est intéressé entre 2015 et 2017 à tout un panel de situations de coexistence ou de confrontation de ces modèles en Europe, en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique. En éclairant ces interfaces, les auteurs ouvrent un nouveau front de recherche. Pour cela, ils proposent un cadre d'analyse de ces interactions selon quatre dynamiques fondamentales du développement territorial : la diversification, l'innovation, l'adaptation et la transition des systèmes alimentaires. Avec la ferme intention de « déterminer les conditions d’une coexistence de ces modèles qui seraient favorables au développement durable », ajoute Claire Cerdan, géographe au Cirad et co-coordinatrice de ce livre.

Une pluralité de modèles agricoles et alimentaires

De nos jours, le modèle agricole dominant est l'agriculture industrielle. Bien que cette industrialisation des cultures et de l'élevage ait permis de baisser les coûts de production des aliments et d'améliorer leur disponibilité, cette forme d'agriculture intensive a non seulement des impacts sanitaires, environnementaux et sociaux, mais risque, à terme, de compromettre notre sécurité alimentaire. Pourtant il existe une pluralité de formes d'agriculture et d'alimentation qui se démarquent de ce modèle dominant par leurs modes de production, les techniques utilisées, leur organisation du travail ou encore la mise en marché des aliments. « La globalisation n’a pas uniformisé les modèles agricoles et alimentaires », confirme Claire Cerdan. Et ces modèles alternatifs, comme l'agroécologie, l'agriculture paysanne ou les circuits courts, gagnent en reconnaissance et interagissent avec le modèle dit conventionnel. Or « ce sont les interactions entre ces différents modèles qui confèrent, sous certaines conditions, des capacités de diversification, d’innovation, d’adaptation et de transition des systèmes alimentaires. »

À l'épreuve des terrains

Pour valider cette hypothèse centrale de l'ouvrage, les auteurs présentent plusieurs études de systèmes alimentaires sur divers territoires de par le monde, par exemple dans l'État de Santa Catarina, au sud du Brésil. « Jusqu'aux années 1990, cette région a vu agriculteurs et agro-industriels se spécialiser dans la production de viande fraîche de porcs et de volailles, poursuit Claire Cerdan. Mais à partir de l'ouverture du marché brésilien à la concurrence, les industriels de l'agroalimentaire ont dû diversifier fortement leur activité pour maintenir leur compétitivité, notamment en préparant des plats préparés et de produits congelés ou encore en valorisant le savoir-faire agro-industriel via des salons. » De nombreux agriculteurs ont été exclus de ce modèle industrialisé. Ceux-ci se sont alors tournés vers une production fermière et artisanale qui, aujourd'hui, écoule ses produits principalement auprès des travailleurs de ces industries agroalimentaires. « La coexistence de ces deux modèles confirme que la spécialisation et la diversification s’inscrivent dans un même processus d’adaptation au système global », estime la géographe.

De la confrontation à la coexistence

Au-delà d'une simple analyse temporelle, cet ouvrage considère donc les tenants et les aboutissants des éléments constitutifs des systèmes alimentaires des territoires. Il précise en particulier comment les différents acteurs interagissent, et autour de quels objets. Cela permet aux auteurs de montrer que les interactions entre les différents modèles agricoles et alimentaires revêtent des formes diverses : cohabitation, complémentarité, synergie, hybridation, concurrence, confrontation, exclusion... Mais aussi de proposer des pistes pour favoriser, in fine, la transition des systèmes alimentaires vers plus de durabilité. « Il convient notamment de ne pas opposer de façon manichéenne les différents modèles agricoles et de mettre en avant les petites initiatives sans pour autant exclure complètement le modèle dominant », précise Claire Cerdan. Car c'est l'hétérogénéité des systèmes agroalimentaires, liée à la « coexistence conflictuelle » entre ces modèles, qui renforce leur capacité de transition vers un développement plus durable des territoires.

Source:    www.cirad.fr


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