Canada/Toronto propose à nouveau d’autoriser les commerces dans les quartiers résidentiels
La Ville de Toronto propose à nouveau d'autoriser la construction de commerces dans ses quartiers résidentiels – une mesure qui ne fait toujours pas l'unanimité – presque un an après qu'elle a été renvoyée par le conseil municipal.
La Ville propose d’autoriser la construction d’épiceries, de dépanneurs, de restaurants, de café, de galeries et de salons de coiffure, entre autres, sur tout terrain résidentiel adjacent aux axes routiers principaux de Toronto, comme le chemin Dovercourt, l’avenue Ossington ou la rue Dupont — sensiblement ce qui était proposé l’an dernier.
Les règles seraient plus strictes, cependant, à l’intérieur des quartiers résidentiels.
Dans ces derniers, le personnel municipal propose plutôt de permettre uniquement l’établissement de commerces au coin de rues désignées communautaires. Au centre-ville, cela comprend entre autres des segments des rues Wellington, Liberty et Adelaide, par exemple.
Selon la Ville, ces rues communautaires ont plus de chance d’avoir un trottoir des deux côtés de la voie, des infrastructures cyclables et un service de transport en commun. Elles permettent aussi de joindre des axes routiers majeurs et ne représentent que 25 % des rues des quartiers résidentiels.
Les commerces pourront aussi être ouverts directement à côté des parcs, des écoles et des immeubles commerciaux, qu’ils soient sur une rue communautaire ou non.
Il s’agit d’un resserrement des critères par rapport à ce qui avait été proposé par les urbanistes dans le plan rejeté par le conseil municipal l’an dernier. La Ville suggérait alors d’autoriser l’ouverture de commerces au coin de n’importe quelle rue à l’intérieur des quartiers.
Nous avons considérablement réduit le nombre de rues où ces commerces de proximité seraient autorisés, affirme Michael Noble, responsable au sein du département de l'Urbanisme de la Ville de Toronto.
Au même titre, les terrasses — que le personnel proposait d’autoriser à l’intérieur des quartiers en 2024 — ne seraient plus permises de plein droit dans ceux-ci en vertu de la proposition désormais à l’étude. Les terrasses seraient toutefois permises à l’extérieur des commerces et restaurants sur les axes routiers majeurs.
Les propositions des urbanistes permettraient notamment à des entrepreneurs d’ouvrir, à l’intérieur des quartiers résidentiels, des commerces dans lesquels on sert du café ou d’autres types de boissons, ainsi que de la nourriture. La Ville limite toutefois l’espace que peut occuper l’espace où on sert les boissons et la nourriture.
Des mesures qui continuent de diviser les Torontois
Sean Aubin, bénévole chez More Neighbours Toronto, aurait voulu que ces changements aient été adoptés dès l'année dernière.
Ça rend la vie plus facile sans voiture, si tu peux marcher jusqu'à un café ou à un dépanneur pour aller chercher des épiceries, dit-il.
Un quartier qui a plus de cafés, de dépanneurs et de commerces est plus fun à y vivre ! Il y a plus de places pour se rassembler en tant que communauté, pour construire des communautés plus fortes, plus résilientes face à des changements économiques et environnementaux... Cela crée des communautés plus dynamiques.
Une citation de Sean Aubin, bénévole chez More Neighbours Toronto
Il cite l'exemple de villes en Europe ou au Japon, ou, plus proche, Montréal, où, souligne-t-il, les quartiers avec des utilisations mixtes des bâtiments résidentiels sont de meilleures places à vivre.
Mais tout le monde n'est pas du même avis.
Randy Kerr, fondateur et membre de Beaconsfield Village Residents Association, s'était déjà opposé au projet l'année dernière. Malgré plusieurs échanges avec la Ville lors de consultations organisées depuis, il n'est toujours pas favorable au projet.
Selon lui, les chances de succès de nouveaux commerces de quartier là où il vit sont très faibles.
Ce matin, j'étais sorti faire un tour en voiture dans le quartier pour un ou deux rendez-vous et j'ai vu plusieurs restaurants et petits commerces de la zone commerciale qui devraient être prospères, mais qui sont fermés, raconte-t-il. Et à leur place, ce sont des boutiques de cannabis. On voit même apparaître des boutiques de champignons, qui sont techniquement illégales, mais qui poussent partout.
De nombreux résidents craignent que, si les petits commerces de proximité font faillite, ils soient remplacés par quelque chose d'un peu plus controversé, surtout s'il y a des écoles et des parcs publics à proximité. Voilà nos inquiétudes.
Une citation de Randy Kerr, fondateur et membre de l'Association de résidents de Beaconsfield Village
Il craint que ces modifications aux règles de zonage n'ouvrent la voie au vandalisme, aux bruits, ou encore à des difficultés de stationnement du fait d'un manque de contrôle, car, selon lui, les policiers ne patrouillent pas dans les rues résidentielles en pleine nuit et ils n'ont pas assez d'effectifs pour le faire.
Pour lui, chaque quartier devrait avoir le droit de décider s'il veut ou non de ces nouvelles règles.
Du côté de la ville, Michael Noble confirme que Toronto n'aurait pas le contrôle sur la nature des commerces qui ouvriraient dans les quartiers, rappelant que la réglementation de l'alcool et du cannabis relève des affaires provinciales.
Il assure néanmoins que la Ville est en discussion avec l'Ontario sur le sujet.
Est-ce théoriquement possible qu'un site disposant d'un permis de commerce de détail puisse ouvrir un magasin de cannabis? À l'heure actuelle, oui, mais nous pensons toutefois que c'est peu probable et nous collaborons avec la province pour tenter de résoudre cet enjeu.
Une citation de Michael Noble, responsable au sein du département de l'Urbanisme de la Ville de Toronto
Pour ce qui est des autres préoccupations soulevées, il assure que ce sont des problèmes taclés par des règlements municipaux existants.
Des mesures inévitables
Pour Pierre Filion, professeur émérite d'urbanisme à l'Université de Waterloo, si la ville laissait les quartiers résidentiels décider pour eux-mêmes, il n'y en aurait pas beaucoup de commerces à l'intérieur des quartiers résidentiels.
Pour lui, ces changements sont à double tranchant : Il y a le scénario positif pour les résidents où on aurait exclusivement des commerces de proximité comme des dépanneurs... Les gens marcheraient pour se rendre à ces commerces-là, donc ça ne créera pas plus de circulation, dit-il.
Mais l'autre scénario, moins idéal, souligne-t-il, serait que ces nouveaux commerces deviennent tellement populaires qu'ils attirent des gens de partout en ville, ce qui causerait beaucoup de nuisances aux résidents du quartier.
S'il dit comprendre, en tant que résident, les préoccupations de certains groupes de Torontois qui s'opposent à ces nouvelles règles, en tant qu'urbaniste, elles sont inévitables, selon lui.
En effet, face à une croissance démographique rapide, la Ville se densifie, ce qui rend nécessaires de nouveaux commerces et services de proximité.
Selon la Municipalité, Toronto est une ville en pleine croissance, qui comptera au moins 700 000 nouveaux habitants d'ici 2051.
Source: ici.radio-canada.ca/


