France - Congo/Le jumelage Brazzaville – Grenoble entre dans une nouvelle dimension
Le jumelage entre Grenoble-Vienne et Brazzaville prend un nouvel élan. Officiellement signé en 2021, il s’enracine dans une longue tradition d’échanges et s’ouvre aujourd’hui à de nombreux domaines : pastorale, enseignement, organisation, vie paroissiale. Pour Brazzaville, c’est l’occasion de s’inspirer d’une Église plus ancienne et de consolider son identité face aux défis religieux. Pour Grenoble, la rencontre avec une Église jeune et dynamique apporte fraîcheur et audace missionnaire. Plus qu’un accord institutionnel, ce jumelage est une véritable aventure spirituelle, appelée à renouveler la manière de vivre et d’annoncer l’Évangile.
Quand on voyage d’un continent à l’autre, on mesure l’universalité de l’Église : partout, on s’y sent chez soi. Depuis longtemps, les dioceses tissent des relations fraternelles. Aujourd’hui, ces échanges prennent une nouvelle ampleur, avec des liens privilégiés entre communautés. C’est le cas entre Grenoble-Vienne et Brazzaville. Une délégation de Brazzaville séjourne en Isère pour approfondir ce jumelage. J’ai le plaisir d’accueillir Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou, archevêque de Brazzaville, le P. Vincent Massengo, vicaire général et curé de la cathédrale du Sacré-Cœur, Mme Mélanie Marie-Bernadette Makanga, responsable de la commission « Mariage et Famille », M. Raoul Sika, directeur de l’enseignement catholique, ainsi que le P. Emmanuel Decaux, qui accompagne la délégation.
Après ces premiers jours très chargés, comment vivent-vous ces rencontres ? Est-ce, pour certains, une première visite en France — ou à Grenoble ? Monseigneur, bienvenue : comment se passent ces premiers contacts ?
Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou
Heureux d’être ici. Ce n’est pas ma première venue, mais cette mission est particulière : il s’agit de renforcer les liens entre Brazzaville et Grenoble. Nous découvrons, nous confirmons un chemin déjà engagé et nous voyons aussi ce qu’il faudra « dépoussiérer » pour mieux valoriser. Mes impressions sont très positives, et celles de mes collaborateurs également.
Stéphane Debusschère, RCF
Mme Makanga, comment avez-vous vécu ces premiers jours en Isère ?
Mélanie Marie-Bernadette Makanga
Nous avons été très bien accueillis. Le séjour est fructueux : nous travaillons, nous partageons et nous apprenons mutuellement. C’est une joie.
Stéphane Debusschère, RCF
En une quinzaine de jours, vous allez parcourir de nombreuses réalités pastorales. Père Vincent, premières impressions ? Est-ce votre première venue en Isère ?
P. Vincent Massengo
On m’appelle parfois « le Breton noir » : j’ai servi onze ans dans l’archidiocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo. Je reviens ici pour la quatrième fois. J’étais venu voir un ami prêtre, puis lors d’un séjour de convalescence de l’archevêque. Je me sens désormais un peu « habitué » de l’Isère… et jamais déçu.
Stéphane Debusschère, RCF
M. Sika, vous découvrez l’Isère. Vos premières impressions, alors que les rencontres avec l’enseignement catholique local commencent ?
Raoul Sika
Je suis un homme heureux. J’apprends beaucoup et j’ai hâte d’échanger avec mes homologues : partager, comparer nos pratiques, capitaliser des formations. Je viens avec soif et curiosité.
Stéphane Debusschère, RCF
Père Decaux, un mot d’histoire pour nos auditeurs ?
P. Emmanuel Decaux
Le jumelage a été officiellement signé le 21 novembre 2021, mais des prêtres de Brazzaville servent ici depuis près de vingt-cinq ans : une longue tradition de partenariat. La signature, à l’initiative de Mgr Guy de Kerimel et de Mgr Bienvenu, a reconnu comme un don de Dieu cette collaboration. Après un temps de transition, cette visite marque une étape clé : il s’agit désormais d’enraciner le jumelage dans toute la vie du diocèse — services, paroisses, communautés.
Stéphane Debusschère, RCF
Monseigneur, votre Église a célébré en 2023 les 140 ans de la « seconde » évangélisation par les Spiritains. Qu’attendez-vous aujourd’hui d’un lien avec un diocèse plus ancien comme le nôtre ? Qu’y gagne le peuple congolais ?
Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou
Les 140 ans rappellent une reprise missionnaire (après des tentatives au XVe siècle). Nous sommes en chemin, en recherche. Le jumelage nous fait sortir de l’autarcie, élargit nos horizons, ouvre des portes : structuration ecclésiale, liturgie, gestion, formation… Un grand panier d’où puiser, dans la fluidité d’un lien désormais officialisé.
Stéphane Debusschère, RCF
Père Vincent, au-delà des structures, ces échanges touchent-ils la vie spirituelle quotidienne des fidèles ?
P. Vincent Massengo
Assurément. L’Église, c’est le peuple de Dieu. Par le jumelage, les communautés de Grenoble-Vienne et de Brazzaville entrent en communion réelle. L’amitié se nourrit de rencontres : jeunes, paroisses, services… Nous sommes de passage, mais nous souhaitons que cette amitié voulue par Dieu se transmette de génération en génération, pour sa gloire et pour notre salut.
Stéphane Debusschère, RCF
Mme Makanga, concrètement, que peut apporter ce lien à votre mission « Mariage et Famille » ?
Mélanie Marie-Bernadette Makanga
Nos échanges avec la pastorale familiale ici sont très stimulants. Chacun a quelque chose à offrir : outils, formations, expériences d’animation. C’est un vrai « donner-recevoir ».
Stéphane Debusschère, RCF
On peut imaginer des conférences, des formations croisées ?
Mélanie Marie-Bernadette Makanga
Oui. On le perçoit déjà dans nos travaux en cours : ces coopérations sont naturelles dans le cadre du jumelage.
Stéphane Debusschère, RCF
M. Sika, vos attentes pour l’enseignement catholique ?
Raoul Sika
Nous sommes sur un chantier commun. Il faut jeter des passerelles pour bâtir une école efficace : échanger, partager, se soutenir. J’attends des partenariats concrets et gagnant-gagnant.
Stéphane Debusschère, RCF
Père Decaux, beaucoup d’attentes… et la nécessité de les structurer ?
P. Emmanuel Decaux
Oui. Nous avons déjà travaillé sur l’économie avec l’administratif et les RH du diocèse. Il y a ce que nous voyons — questions pastorales, financières — et ce que Dieu suscite : une amitié qui ouvre le cœur à l’Écriture, comme les disciples d’Emmaüs. Le jumelage est d’abord une œuvre de Dieu : il façonne notre manière de témoigner de l’Évangile aujourd’hui.
Stéphane Debusschère, RCF
Monseigneur, rencontrer une Église sécularisée comme la nôtre est-ce un atout pour vous, Église jeune ?
Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou
C’est une vraie interpellation. La sécularisation fait partie d’un mouvement global. Chez nous, d’autres « agressivités » bousculent la foi : montée des communautés pentecôtistes, pluralité religieuse. Voir l’Europe nous pousse à la prévention et à la consolidation de notre identité catholique. Ici, la foi se vit parfois comme « purifiée » par l’abondance et la question du sens ; chez nous, elle peut être fervente mais traversée de confusions. Le contact nous aide à affiner, à purifier, à tenir bon.
Stéphane Debusschère, RCF
Père Decaux, en retour, qu’apporte à notre diocèse la rencontre de ces réalités ?
P. Emmanuel Decaux
Beaucoup ont été marqués par la liberté et la simplicité de parole de prêtres africains. Parfois, cela bouscule — et c’est salutaire. Cette fraîcheur peut nous aider, nous chrétiens de vieille Europe, à retrouver l’audace de l’annonce.
Stéphane Debusschère, RCF
Père Vincent, le jumelage sert-il aussi à « nous déplacer », à renouveler nos façons de faire ?
P. Vincent Massengo
Oui. Le jumelage s’inscrit dans la pédagogie de Dieu : l’Incarnation bouleverse et la Pentecôte unit dans la diversité. Les Églises se regardent, s’enrichissent, mettent en commun leurs talents pour mieux louer le Seigneur et servir la même mission.
Stéphane Debusschère, RCF
Monseigneur, spirituellement, pourquoi la fraternité « au loin » nourrit-elle notre propre foi ?
Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou
La routine sclérose. Le contact avec d’autres nous surprend et nous renouvelle. Les mêmes mots de la foi se vivent autrement : cela devient miroir, appel à purifier, à ajuster. Jésus envoie deux par deux : à plusieurs, on se trompe moins. Ensemble, on avance mieux vers la vérité.
Stéphane Debusschère, RCF
On peut donc imaginer l’avenir du jumelage « deux par deux », sur les routes du Congo comme de l’Isère : un Congolais, un Isérois…
Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou
Tout à fait.
Stéphane Debusschère, RCF
Merci à vous cinq. Nous suivrons les avancées concrètes de ce jumelage en construction.
Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou
Merci au diocèse de Grenoble-Vienne et à RCF. Que cette démarche nous éveille et nous unisse.
Source: www.rcf.fr/