Belgique/Un revenu stable, des rencontres et du partage : les artisans belges proposent de plus en plus d’ateliers créatifs
Créer sa propre tasse ou son parfum, s’initier à la soudure, la boulangerie ou l’ébénisterie : les ateliers créatifs se multiplient en Belgique. Le concept ? Un artisan vous ouvre ses portes et vous aide à créer un objet tout en faisant découvrir son savoir-faire. Pour les participants, c’est l’occasion de fabriquer quelque chose avec ses mains. Pour les artisans, c’est un moment de partage, mais aussi une rentrée financière et une visibilité importantes. Allez, on vous emmène en atelier !
Briser la solitude de l’artisanat
Notre reportage commence chez Michel Deschuytere, ébéniste depuis 45 ans dans les Marolles, à Bruxelles. Cela fait deux ans qu’il donne des ateliers. "C’était une proposition de la Ville de Bruxelles et je n’y croyais pas trop", nous confie-t-il. Et pourtant, chaque semaine, une dizaine de participants prennent quelques heures de leur journée pour construire un objet avec Michel.
700 personnes sont venues dans mon atelier
On peut par exemple créer une cuillère en bois, un nichoir, une table basse ou encore une planche en bois. "Je m’amuse beaucoup et je rencontre énormément de gens ", dit Michel. "Sur 45 ans de carrière, j’ai eu 1400 gros clients. Alors qu’ici, en seulement deux ans, 700 personnes sont venues dans mon atelier pendant trois à neuf heures. Ils sont généralement jeunes, entre 25 et 35 ans, et créent quelque chose de leurs mains pour la première fois alors qu’ils sont plutôt habitués à être derrière un ordinateur toute la journée !".
C’est vrai que la vie d’artisan peut souvent s’avérer être solitaire. Alors les ateliers créent des moments de partage. "Ça personnalise les pièces, ça les rend plus humaines", commente une participante en dessinant la forme de sa planche à découper. "Et puis ça change du quotidien dans un open space. Ici, je peux réaliser quelque chose par moi-même."
Une source de revenus stable
Pour Michel, les ateliers sont aussi devenus une source de revenus stable. "L’année dernière, cela représentait 30% de mon chiffre d’affaires donc ce n’est pas du tout négligeable. Cela permet d’ajouter beaucoup de beurre dans les épinards."
Les ateliers représentent un revenu sûr pour cet ébéniste. "Ici, dans les Marolles, les commerçants ont perdu 30 à 40% de leur chiffre d’affaires ces trois dernières années. Moi, je crée du mobilier sur-mesure, je fais des devis et il y a toujours un risque que le devis ne soit pas accepté. Alors qu’avec les ateliers, c’est payé et il n’y a pas de risque. Mais ça suppose aussi de bien préparer, de faire une mise en place, de fournir un vrai service. Chacun doit essayer de trouver sa solution."
Conscientiser le public à l’artisanat
Au-delà d’un revenu financier, ces ateliers créatifs servent aussi à lever le voile sur les coulisses de l’artisanat. Rendons-nous maintenant à Ixelles, chez Amélie Gomet et Sophie Potié, deux créatrices de bijoux. Les ateliers font partie intégrante de leur ADN. "C’était important pour nous d’avoir un lieu à deux visages", explique Amélie. Ici, les participants créent des bijoux avec la technique de la cire perdue : on crée d’abord la forme du bijou avec de la cire, qui servira ensuite à créer un moule dans lequel on viendra verser le métal précieux en fusion.
Pour éveiller les consciences
Tout comme pour Michel, les ateliers sont une source de revenus pour Amélie et Sophie, mais pas seulement. "C’est vraiment complémentaire pour éveiller les consciences", dit Amélie. "Traverser l’artisanat, c’est mieux saisir le prix d’un produit. Et d’ailleurs on est très transparentes lors de nos ateliers : on parle du coût des matières premières, par exemple. Je parle aussi de la fast-fashion et je leur explique qu’on ne sait pas exactement ce qu’il y a comme résine, comme vernis sur les bijoux de la fast-fashion. Et puis le bijou artisanal, qu’il soit en laiton ou en argent par exemple, est 100% recyclable, on peut en faire une autre création plus tard. La pièce peut vous suivre toute votre vie et traverser les générations."
Et ça marche, car quand on sonde les personnes autour de la table de l’atelier, les avis sont unanimes. "On comprend le fonctionnement derrière l’œuvre finale. C’est très méticuleux, on voit tout le travail et le temps, et ça nous permet de mieux comprendre le prix du produit fini", confie une participante.
D’ailleurs, toutes les personnes à qui nous avons posé la question : "Seriez-vous prêts à payer plus cher un objet réalisé par un artisan après ce que vous avez appris en atelier ?" nous ont répondu la même chose : "oui !".
60% de participants en plus l’année dernière
Bien sûr, organiser des ateliers demande de réunir beaucoup de conditions : disposer de suffisamment de place, dégager du temps chaque semaine, préparer le matériel, etc. Mais cela ne semble pas freiner les nombreux artisans belges qui se lancent dans l’aventure, comme le confirme Clara Lesage, cheffe de produits pour la plateforme intermédiaire Wecandoo. "En Belgique, il y a près de 190 artisans qui travaillent avec nous et qui proposent plus de 400 ateliers."
Et le public se laisse de plus en plus tenter. "On a eu une augmentation de 60% du nombre de participants entre 2023 et 2024." Cela représente 19.000 personnes qui ont participé à un atelier l’année dernière. "Les clients cherchent à comprendre comment les objets sont faits et ont aussi envie de consommer local."
Les Belges déboursent en moyenne 70 euros pour participer à l’atelier d’un artisan. Et découvrir, pendant quelques heures, tout le travail et le savoir-faire qui se cachent derrière un objet.
Source: www.rtbf.be/