France/La Graine cherche à germer : comment redonner un second souffle à la monnaie locale de Montpellier ?
Alors que Montpellier accueille vendredi les 8es Rencontres des monnaies locales territoriales, dont l’objet est de promouvoir une consommation durable et de dynamiser l’économie locale et circulaire, zoom sur la Graine, lancée en 2018.
Et si vous faisiez vos courses ou achetiez vos livres, votre ticket de cinéma ou régliez votre note de restaurant en… "Graines" ? C’est très sérieux et c’est surtout possible. Dans la Métropole de Montpellier et même ailleurs dans l’Hérault, la Graine est une monnaie locale, comme il existe le "Sol-Violette" à Toulouse, "Moneko" à Nantes ou l’"Eusko" au Pays Basque. C’est une monnaie locale citoyenne et circulaire. Entendez que cela permet "de retenir les flux monétaires à l’échelle du territoire plutôt que de le voir s’envoler vers des multinationales écocides", note Bruno Paternot, vice-président de la Métropole de Montpellier très engagé dans le développement de cette monnaie locale. Elle est référencée comme une monnaie complémentaire car elle n’a pas vocation à se substituer à l’euro.
Car cette façon de consommer a été mise en place pour éviter la fuite des capitaux mais surtout pour encourager des pratiques durables en privilégiant les circuits courts. "Par exemple, note l’élu écologiste, on pourra offrir des bons cadeaux de Noël en Graines. Ce qui permettra, au lieu d’acheter une carte Amazon, d’aider les commerçants bio, locaux et de saison".
75 000 Graines environ en circulation
Le principe est assez simple : il suffit d’adhérer à une association, d’échanger des euros contre des Graines, (1 € vaut 1 Graine), et de payer des commerçants engagés dans des pratiques éthiques, sociales ou environnementales et qui l'acceptent.
On compterait autour de 75 000 Graines en circulation sur le territoire. C’est encore peu au regard des 4 millions d’unités d’Eusko basque, de ses 4 000 usagers réguliers et ses 1 400 professionnels engagés dans une démarche durable. La Graine de Montpellier, créée en 2018, n’est acceptée encore que par 160 commerçants pour 600 usagers environ. Modeste mais cela avance… doucement.
Une question de philosophie
Au supermarché Biocoop du Jeu de Paume, le gérant Théo Cizeron n’a pas mis longtemps à se convaincre de l’adopter : "Nos philosophies sont proches. Nous recevons dans nos magasins une clientèle militante et c’est une forme d’engagement auquel nous souscrivons". Pour autant, il ne perçoit qu’un millier de Graines par mois. À peine 0,2 % de son chiffre d’affaires. Surtout, difficile pour lui de conserver la monnaie dans le circuit : "Avant nous arrivions à payer notre fournisseur d’énergie Enercoop en Graines mais ce n’est plus possible aujourd’hui". Bilan, il est obligé de reconvertir en euros la Graine accumulée. Ce qui fait automatiquement ressortir des devises de cette économie circulaire.
Autre difficulté pour les commerçants : rendre la monnaie. "Souvent, il faut l’appoint ou alors régler en deux moyens de paiement", note Théo Cizeron. C’est la raison pour laquelle, au-delà de la monnaie papier, existe désormais une version dématérialisée qui existe depuis août 2024. Et qui permet, depuis son téléphone portable de payer en Graine au centime près.
Chez le coiffeur ou pour boire une bière
Six ans après son lancement, la monnaie veut se trouver un second souffle pour devenir un vrai outil financier vertueux : "Cela passera par la multiplication des commerces qui l’acceptent", convient Bruno Paternot. Et des adhérents qui en détiennent. Depuis peu, 13 élus de la Ville de Montpellier ont accepté de percevoir une partie de leurs indemnités en Graines. Marie Massart, élue à la politique alimentaire de la ville, reçoit 160 graines par mois : "Comme j’ai déjà une consommation vertueuse dans mes achats quotidiens, cela me pousse à regarder quels sont les restaurants qui la prennent. Et j’apprécie de pouvoir aussi l’utiliser dans une librairie ou à l’Utopia".
Bruno Paternot reçoit 200 Graines : "Je n’ai pas l’instinct de thésauriser donc je les dépense tous les mois auprès de commerçants. Je peux aller chez le coiffeur ou même boire une bière artisanale au Novelty", dit-il.
Ce nouvel essor, il en sera question pour les 80 monnaies locales recensées en France depuis leur création en 2010 et qui se retrouvent au théâtre Jean-Vilar à l’occasion des 8es Rencontres des monnaies locales territoriales. Car il n’y a pas que la Graine qui veut germer…
Information complémentaire, liste des commerçants qui acceptent la Graine et adhésion auprès de l’association en cliquant sur le lien de La Graine 34.
Rencontres nationales des monnaies locales
Plus de 80 monnaies locales sont référencées en France, rassemblant plus de 10 000 entreprises et 40 000 consommateurs engagés. La 8e édition des rencontres "Monnaies locales complémentaires & collectivités territoriales" aura lieu sur deux jours. D'abord ce jeudi 21 novembre au théâtre Jean Vilar pour une soirée de lancement. Puis vendredi 22 novembre toute la journée au siège de la Métropole de Montpellier autour du thème : "Construire des dynamiques territoriales et citoyennes pour une transition écologique juste : l'apport des monnaies locales". "Notre objectif est de faire connaître ces initiatives aux citoyens, les soutenir financièrement et développer les usages notamment pour régler les services publics tels que le bus ou la piscine", soutient Anne-Laure Federici déléguée générale de RTES (Réseau des collectivités Territoriales pour une Economie Solidaire) qui coorganise l’événement avec le Mouvement Sol. Ce moment sera aussi celui de "l’évaluation et de l’élaboration de nouvelles propositions 10 ans après le vote de la loi Hamon dont les principes restent : la non lucrativité, la juste répartition des excédents, la gestion démocratique, la libre adhésion et la solidarité". Selon Dante Edme-Sanjurjo, coprésident du Mouvement Sol : "Il est indispensable que le gouvernement intègre à sa feuille de route l’ouverture d’un dialogue avec les monnaies locales pour soutenir leur développement et leur usage."
Source: www.midilibre.fr/