Canada/La Ville de Barrie veut décourager la mendicité tout en renforçant ses programmes d’aide

Publié le 22/05/2023 | La rédaction

Canada

Le conseil municipal de Barrie, à environ une heure et demie de route au nord de Toronto, a voté à l’unanimité cette semaine une nouvelle série de mesures pour répondre à la crise de l’itinérance en ville. Si le conseil veut renforcer les services tels que les refuges, il interdit du même coup l’installation de camps et la distribution de nourriture et d’argent aux itinérants sans un permis spécifique.

Nous voulons nous assurer que les gens ont le soutien et les services dont ils ont besoin et la meilleure façon de le faire est notre système public de refuges, affirme le maire Alex Nuttall dans un communiqué.

Dans les nouvelles mesures votées par le conseil municipal se trouvent en effet plusieurs éléments qui visent à augmenter le financement des refuges et des services aux sans-abri.

La Ville entend ainsi demander plus de financement à la province pour ces services.

L’administration municipale approuve aussi le financement pour les centres de réchauffement et les programmes de dons de nourriture.

La Ville de Barrie financera aussi les frais de déplacement dans des cas de réunification familiale, ainsi que le service de navette pour les personnes qui sont libérées du centre correctionnel.

Elle entend par ailleurs demander un financement permanent à la province et au comté de Simcoe pour un programme de sensibilisation.

Toutefois, cela s’accompagne de plusieurs mesures restrictives qui visent en particulier la mendicité.

Interdire la mendicité

Le conseil municipal a en effet voté pour plusieurs interdictions, à commencer par celle de donner de l’argent aux personnes faisant la manche dans les rues, aux intersections et près des bretelles d’autoroute.

S’y ajoute l’interdiction de donner de la nourriture ou des produits d'épicerie dans les espaces publics, à moins d’avoir un permis pour le faire.

Le nouveau règlement proscrit aussi l'installation de campements.

La Ville compte installer des panneaux pour décourager ces actions et inviter le public à se tourner vers des services officiels.

La police de Barrie dit, de son côté, qu'elle appliquera les règlements de la Ville.

Pour certains, comme l’ancien conseiller municipal Keenan Aylwin, cette nouvelle réglementation est avant tout une manière de faire disparaître les itinérants des rues.

Quelqu’un en ligne a dit que c’était la motion "si je ne le vois pas, ça n’existe pas". C’est un peu ce que c’est. Le conseil municipal se met la tête dans le sable, dénonce-t-il.

Un règlement inutile

La Dr Maggie Hulbert, médecin à l’Université de Toronto et membre de Health Providers Against Poverty, qui milite pour la justice sociale, admet qu’il y a quelques bons points dans cette motion, notamment la demande de financement pour les refuges et les services aux sans-abri.

Cependant, elle n'approuve pas la deuxième moitié de la motion qu’elle juge injuste, violente et cruelle, en référence à l’interdiction des campements et de la mendicité.

Malheureusement, ça ne me surprend pas, c’est désarmant et très énervant, réagit la militante qui souligne qu’il y a une tendance depuis les deux ou trois dernières années à criminaliser le sans-abrisme. Nous avons vu ça avec de violentes évictions de campements.

Selon elle, ce nouveau règlement reflète un manque de compréhension de l’intensité de la pauvreté que vivent les gens.

« C’est inutile, car si quelqu'un reçoit une amende pour avoir mendié, comment va-t-il payer? »

— Une citation de  Maggie Hulbert, membre de l'organisme Health Providers Against Poverty

La Dr Maggie Hulbert craint par ailleurs que cette motion ne s'étende à d’autres municipalités.

Pour sa part, Gaetan Heroux, qui milite à Toronto contre la crise du logement, fustige la motion du conseil municipal de Barrie qui contient des préjugés et qui, selon lui, consiste à dévisibiliser les sans-abri.

Le règlement donne l'impression que peut-être ça va faire quelque chose, mais à la fin ça ne règle aucun problème, juge-t-il.

Selon lui, ces nouvelles mesures vont créer une situation encore pire.

On a des gens en Ontario et à travers le pays qui se trouvent dans des situations impossibles. On ne parle pas de journées dans la rue, on parle de mois et d’années.

« Imaginez vous réveiller un matin sans savoir où vous allez dormir le soir. »

— Une citation de  Gaetan Heroux, militant contre la crise du logement

Gaetan Heroux pense qu’il faut plutôt s'attaquer à la crise du logement en construisant davantage d’habitations abordables. Si on ne bâtit pas des logements sociaux, on peut essayer de créer des lois, mais ça ne marchera pas, croit-il.

Il faut retourner à un programme qu'on avait après la 2e guerre où le fédéral a créé des programmes qui ont bâti des centaines de milliers de logements, suggère l'activiste.

Sans ce programme qui implique la province et les municipalités, on ne réglera pas le problème, résume-t-il.

De son côté, la Ville précise que, selon les données de janvier 2022 dans le comté de Simcoe, 722 personnes étaient en situation d’itinérance, dont au moins la moitié à Barrie.

Elle dit aussi vouloir utiliser la hausse de 86 % du financement provincial attribué au comté de Simcoe dans le budget 2023, hausse spécifiquement destinée à la lutte contre l’itinérance.

Source:    ici.radio-canada.ca/


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