France/Quelle avancée dans la décentralisation et la simplification de la politique du logement après la loi 3DS ?

Publié le 17/05/2022 | La rédaction

France

La dernière grande loi du quinquennat 2017-2022 d'Emmanuel Macron est consacrée à la décentralisation et à la simplification. Engagé à la suite du grand débat national de janvier 2019, ce texte d'abord nommé 4D a été voté le 21 février 2022 et publié au Journal officiel le 22 février. La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite loi 3DS entend donner des marges de manœuvre aux élus locaux. Elle a été qualifiée de « loi technique » par le gouvernement tant elle concerne une foule de secteurs, dont la politique du logement.

À ce sujet, la loi 3DS repose sur une vision partenariale de la politique du logement entre l'État et les collectivités, et renforce les outils contractuels.

La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite 3DS constitue un nouvel acte de la décentralisation. Elle permet la prise en compte des spécificités locales et conforte les compétences des collectivités territoriales.

Dans le domaine de la politique du logement, Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, s'est félicitée de l'adoption de ce texte dont « le principal apport en matière de politique du logement est de pérenniser l'article 55 de la loi dite SRU du 13 décembre 2000 tout en prenant en compte les spécificités locales ». En effet, le taux minimum de logements sociaux à atteindre par les collectivités concernées varie de 20 ou 25 % en fonction des réalités locales. Le texte octroie également un nouveau rôle aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans la définition des objectifs de mixité sociale et la mise en place de dispositifs destinés à favoriser cette mixité.

La pérennisation et l'adaptation de l'obligation SRU au local

L'article L. 302-5 du Code de la construction et de l'habitation (CCH) impose aux communes, répondant aux critères fixés par ledit article, de disposer d'un quota minimum de logements sociaux correspondant à 25 % des résidences principales présentes sur leur territoire. Ce pourcentage est ramené à 20 % pour les communes appartenant à une agglomération ou à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, pour lesquels le parc de logements existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande et aux capacités à se loger des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées. Si, selon la Cour des comptes, ce dispositif a globalement permis de produire plus de logements sociaux dans les communes déficitaires, il existe toujours des disparités locales liées notamment à des difficultés d'application.

Face à ce constat, la loi 3DS supprime l'échéance de 2025 qui semblait inatteignable. À l'origine, l'article 55 de la loi SRU disposait que « es communes doivent disposer de 25 % de logements sociaux, en regard des résidences principales, d'ici 2025 ». Or, le gouvernement l'a déclaré à plusieurs reprises par la voix d'Emmanuelle Wargon, « nous voulions la prolongation de la loi SRU sans date couperet d'atteinte des objectifs concernant la production de logement social ».

C'est pourquoi la loi 3DS pérennise le dispositif SRU en aménageant un rythme de rattrapage de référence et en gommant le caractère purement mathématique de cet objectif, dans le but d'adapter le texte aux réalités des territoires.

Exemptions de l'obligation de rattrapage après 3DS

En premier lieu, la loi 3DS redéfinit les critères d'exemption de l'obligation de rattrapage, en faisant évoluer l'article L. 302-5 du CCH. Avant la loi 3DS, n'étaient pas assujetties à cette obligation :

- les communes situées hors d'une agglomération de plus de 30 000 habitants et insuffisamment reliées aux bassins d'activité et d'emploi par le réseau de transports en commun ;

- les communes situées dans une agglomération de plus de 30 000 habitants dans laquelle le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes dans le parc locatif social, se situe en deçà d'un seuil fixé par décret ;

- les communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé ou d'une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à du Code de l'environnement, ou à une inconstructibilité de bâtiment à usage d'habitation résultant de l'application du règlement d'un plan de prévention des risques technologiques ou d'un plan de prévention des risques naturels.

La faible desserte en transports remplacée par la faible attractivité

La loi 3DS fait disparaître le critère de faible desserte en transports en commun au profit d'un critère de faible attractivité du fait de l'isolement. Elle ne limite plus l'exemption justifiée par la faible tension sur la demande de logement aux communes situées dans les agglomérations de plus de 30 000 logements. Enfin, s'agissant de l'exemption des communes confrontées à une inconstructibilité de la moitié de leur territoire, sont dorénavant prises en compte l'inconstructibilité liée au recul du trait de cote et celle résultant des périmètres de protection immédiate des points de captage des eaux potables. Si les exemptions pour inconstructibilité redeviennent automatiques, comme avant la loi Égalité et citoyenneté de 2017, la liste des autres communes demeure arrêtée, a minima à chaque début de période triennale, sur proposition des EPCI dont elles sont membres, après avis du préfet dans la région et de la commission nationale SRU.

S'agissant des résidences principales retenues pour le calcul de ce seuil, en raison de la suppression de la taxe d'habitation, il sera pris en compte celles figurant sur la liste transmise par l'administration fiscale. Les logements concédés par nécessité absolue de service et ceux concédés à des militaires des armées dans des immeubles dépendant du domaine de l'État devront en être déduits.

Dérogation au principe du rattrapage grâce à un contrat de mixité sociale

En second lieu, la loi 3DS prévoit à la fois un nouveau mécanisme de rattrapage triennal et la possibilité d'y déroger contractuellement via le contrat de mixité sociale (CMS).

Le rythme de rattrapage de référence par période triennale est d'un tiers soit 33 % du nombre de logements sociaux manquants.

Ce rythme est porté à 50 % pour les communes dont le taux de logement social au 1er janvier de l'année précédant la période triennale présente un écart compris entre deux et quatre points et à 100 % pour les communes dont le taux de logement social au 1er janvier de l'année précédant la période triennale présente un écart inférieur à deux points avec le seuil fixé par l'article L. 302-5 du CCH.

Ces rythmes de rattrapage peuvent être ramenés à 25 %, 40 % et 80 % si la commune signe avec le préfet un CMS.

Créé par l'instruction du gouvernement du 30 juin 2015, le CMS communal est un dispositif contractuel auquel la loi 3DS donne un cadre légal. Ce contrat lie en principe l'État et les communes carencées en logements locatifs sociaux, mais peuvent également être signataires les établissements publics de coopération intercommunale, les établissements publics fonciers locaux, les établissements publics fonciers d'État et les bailleurs sociaux concernés.

Ce contrat, qui peut intervenir sur demande d'une commune déficitaire ou sur proposition du préfet de département, précise les moyens que la commune s'engage à mobiliser pour atteindre ses objectifs comme l'exercice du droit de préemption urbain, l'évolution du plan local d'urbanisme ou des opérations d'aménagement. Il permet de s'assurer que tous les outils juridiques, financiers et opérationnels envisageables seront déployés et d'identifier les opérations de logements locatifs sociaux envisagées. Il prévoit le dispositif de suivi et d'évaluation.

Ce contrat peut être intercommunal (CIMS) si la ou les communes déficitaires sont membres d'un EPCI à fiscalité propre couvert par un plan local de l'habitat (PLH) ou un document exécutoire en tenant lieu.

Ce contrat remplace la mutualisation intercommunale prévue à titre expérimental par la loi ELAN du 23 novembre 2018. Ce CIMS n'équivaut pas à un transfert de charge entre communes membres d'un EPCI. Après avis de la commission nationale SRU, la fixation par le CIMS des objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux à atteindre pour chacune des communes déficitaires doit respecter les règles suivantes :

- la réduction de l'objectif d'une commune déficitaire opérée par le CIMS ne peut dépasser 50 % de l'objectif de référence de cette commune pour la période triennale concernée ;

- une même commune ne peut bénéficier d'une réduction de son objectif de rattrapage pour plus de deux périodes triennales consécutives ;

- la fixation d'objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux supplémentaires par le CIMS nécessite l'accord de la commune concernée ;

- la somme des objectifs triennaux fixés par le CIMS pour l'ensemble des communes déficitaires ne peut être inférieure au nombre total de logements locatifs sociaux à atteindre par ces communes en application du taux de référence.

Taux plancher pour la majoration du prélèvement SRU

Les communes concernées qui sont situées en deçà du seuil de 25 % ou 20 % sont dites « communes déficitaires ». Elles doivent verser un prélèvement sur leurs recettes. Ce prélèvement est non seulement une sanction pour la commune mais aussi une incitation à rattraper son retard, puisque les dépenses qu'elles consacrent au développement du logement social en sont déduites.

Afin de renforcer les effets de la procédure de carence, la loi 3DS fixe un taux plancher pour la majoration du prélèvement SRU. Ce taux ne peut être inférieur au rapport entre le nombre de logements sociaux non réalisés et l'objectif total de logements, que cet objectif soit légal ou, le cas échéant, fixé par un CMS.

Si la loi 3DS prévoit l'exonération des communes bénéficiant de la troisième fraction de la dotation de solidarité rurale (DSR). Cette exonération est conditionnée à l'existence de plus de 20 % ou de 15 % de logements sociaux sur leur territoire selon que leur quota est de 25 % ou de 15 %.

Les sanctions suivantes antérieurement prévues par l'article L. 302-9-1 du CCH et analysées comme contreproductives sont supprimées :

- la suspension de la possibilité de construire des logements locatifs intermédiaires ;

- le transfert au préfet de la gestion du contingent communal des logements sociaux attribué en priorité aux ménages DALO ;

- la suspension ou la modification des conventions de réservation passées par la commune avec les bailleurs et l'obligation de communiquer au préfet la liste des bailleurs et des logements concernés.

En outre, le transfert de l'exercice du droit de préemption urbain au préfet perd son caractère automatique : le préfet pourra y renoncer au cas par cas. Sur demande motivée de la commune initialement compétente, le préfet pourra autoriser celle-ci, par arrêté motivé, à exercer ce droit pour un bien précisément identifié. L'arrêté peut également inclure la délivrance des autorisations d'urbanisme et d'occupation des sols pour ce bien lorsque cette compétence relève du préfet.

Afin de pérenniser les logements sociaux existant sur une commune carencée, ces logements bénéficient d'une protection renforcée. Dans ces communes, d'une part le déconventionnement de logements locatifs sociaux appartenant à un bailleur institutionnel nécessite l'obtention d'un avis conforme et non plus consultatif du préfet et du maire, d'autre part, la vente de logements sociaux hors vente au bénéfice d'autres organismes d'HLM est désormais interdite dès lors qu'elles n'ont pas conclu de CMS.

Pour favoriser la création de logements sociaux sur le territoire des communes carencées, la loi 3DS généralise le principe de mixité sociale au sein des opérations de construction.

Généralisation de la mixité au sein des opérations de construction

L'article L. 151-15 du Code de l'urbanisme prévoyait déjà la possibilité de délimiter dans les plans locaux d'urbanisme des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d'un programme de logements, un pourcentage de ce programme devait être affecté à des catégories de logements qu'il définissait dans le respect des objectifs de mixité sociale. À l'intérieur de ces secteurs dits « secteurs de mixité sociale », était fixé, pour tout nouveau programme de logement au-delà d'un seuil défini soit en nombre de logements soit en surface de plancher, un taux de logement social à y réaliser.

La loi 3DS rend obligatoire ce dispositif dans les communes carencées en prévoyant l'obligation, à compter du 1er janvier 2023, pour les opérations comportant plus de 12 logements ou 800 mètres carrés de surface de plancher, de comporter a minima 30 % ou 25 % de logements sociaux. Cette obligation codifiée à l'article L. 111-24 du Code de l'urbanisme ne s'appliquera toutefois pas dans les communes exemptées au regard d'une faible tension sur la demande de logements sociaux et dans les opérations de logements destinés aux agents du ministère de la Défense. En outre, le préfet pourra déroger à cette obligation pour tenir compte de la typologie des logements voisins de l'opération.

Le rôle accordé aux EPCI dans la définition des objectifs de mixité

La notion de mixité sociale a été introduite par la loi relative à la lutte contre les exclusions (1998).

Elle constituait l'un des objectifs-phares de la loi Égalité citoyenneté et de la loi ELAN. Cette dernière a généralisé l'obligation de cotation et de gestion en flux des conventions de réservation. Conséquence de la crise sanitaire et du report des élections municipales, l'entrée en vigueur de ces obligations est reportée à 2023.

La loi 3DS conforte le positionnement des EPCI en tant que chefs de file des politiques locales d'habitat, de peuplement et des attributions. La loi Égalité citoyenneté avait prévu l'obligation, pour les EPCI tenus de se doter d'un programme local de l'habitat (PLH) ou ayant la compétence habitat et au moins un quartier prioritaire de la ville (QPV), d'établir une convention intercommunale d'attribution (CIA). La loi 3DS renforce cette obligation et impose un délai pour sa conclusion fixé à huit mois pour les EPCI qui réunissent déjà les conditions à la date de publication de la loi 3DS ou deux ans à compter du jour où les conditions sont réunies.

En l'absence de conclusion de cette convention à l'issue de ce délai, l'EPCI disposera d'un délai de quatre mois pour fixer à chaque bailleur et à chaque réservataire des objectifs d'attribution de logements hors QPV aux ménages ayant les revenus les plus faibles. À défaut, le taux minimal de 25 % s'appliquera. Les modalités de suivi des attributions et du respect de ce taux d'objectif sont renforcées.

Conséquence de la crise sanitaire, l'article 78 prévoit que la CIA fixe un objectif d'attributions aux demandeurs de logement « exerçant une activité professionnelle qui ne peut être assurée en télétravail dans un secteur essentiel pour la continuité de la vie de la nation ». Il appartiendra à la conférence intercommunale du logement de définir le périmètre des travailleurs essentiels, en fonction des besoins du territoire.

S'agissant de la mixité sociale, l'article 84 de la loi 3DS prévoit que soit établie, pour chaque bailleur, une liste fixant les résidences à enjeu prioritaire de mixité sociale, en fonction des conditions d'occupation de ces résidences et selon des critères qui seront définis par un décret à paraître. Cette liste adressée tous les trois ans sera annexée à la CIA.

Cette qualification sera prise en compte lors de l'attribution de logements situés au sein de cette résidence. Le nouvel article L. 441-2-2 du CCH prévoit que le fait pour un ménage candidat à l'attribution d'un logement social d'accentuer la fragilité en matière d'occupation sociale de la résidence peut constituer un motif de refus pour l'obtention d'un logement social dans cette résidence. Toutefois, dans ce cas, le premier logement social vacant situé hors d'une résidence à enjeu prioritaire de mixité sociale dans le périmètre de la convention intercommunale et adapté à la situation du ménage doit lui être proposé.

À RETENIR

- La loi 3DS repose sur une vision partenariale de la politique du logement et renforce les outils contractuels.

- S'agissant des quotas de logements sociaux, elle pérennise les objectifs SRU en les adaptant aux réalités locales. Elle officialise le contrat de mixité sociale et met en place une protection spécifique des logements sociaux existant dans les communes déficitaires ou carencées. Elle généralise un mécanisme de mixité sociale au sein des opérations de construction et favorise une vision intercommunale de la politique de logement.

- Elle conforte le positionnement des EPCI en tant que chefs de file des politiques locales d'habitat et de peuplement et fixe une échéance pour la signature des conventions intercommunales d'attribution.

Source:    www.lemoniteur.fr


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