France/Un nouveau clausier pour les contrats de performance énergétique des collectivités locales

Publié le 27/09/2021 | La rédaction

France

Le contrat de performance énergétique (CPE) est un outil particulièrement efficace dans la maîtrise des dépenses énergétiques et l'optimisation des consommations. S'il est assez développé dans le tertiaire privé, il peine encore à trouver son public dans le tertiaire géré par les collectivités locales. Depuis son apparition dans les années 2000, le CPE de type marché global a énormément évolué, renforçant efficacement les objectifs de performances énergétiques et les échanges structurants entre la maîtrise d'ouvrage publique et le titulaire du marché. C'est dans cet esprit que la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a animé un groupe de travail rassemblant les collectivités et les professionnels de la filière pour produire un clausier-type utilisable par tous. Retour sur ces travaux...

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La fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) porte le programme Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique (CEE ACTEE) dont l'objectif est de faciliter la rénovation d'environ 50 000 bâtiments tertiaire publics. Cette démarche s'appuie sur une approche long terme et souhaite favoriser la mutualisation de collectivités de toute taille afin de connecter les territoires en impulsant des dynamiques locales d'efficacité énergétique et bas carbone.

Dans le cadre du plan de relance national, la FNCCR a lancé le programme ACTEE 2, officialisé par la publication de l'arrêté du 4 mai 2020. Doté de 100 millions d'euros, il permet de rénover partiellement ou entièrement environ 50 000 bâtiments. Ce programme apporte aux collectivités un accompagnement financier pour la réalisation de démarches mutualisées d'efficacité énergétique, ainsi que le développement d'une bibliothèque d'outils, un centre de ressource et une cellule de soutien téléphonique. ACTEE 2 prolonge et renforce le premier programme ACTEE 1, en multipliant par 8 les objectifs, pour viser 20 TWh cumac en décembre 2023. ACTEE est désormais le plus important programme de CEE voué à améliorer les patrimoines publics des collectivités.

La FNCCR a été, également, chargée par la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de la Transition écologique et solidaire, de mettre à jour le clausier CPE FNCCR relatif au contrat de performance énergétique publié en 2012 et de le rendre compatible avec les nouvelles règles et outils de la commande publique afin qu'il s'insère dans les nouveaux schémas financiers et organisations territoriales. La fédération est accompagnée par le cabinet LexCity Avocats.

Le nouveau Clausier, fruit d'un travail collaboratif

Coordonné par la FNCCR, un groupe de travail composé de collectivités, d'opérateurs de CPE et de représentants des entreprises a permis d'engager et de discuter sur la production de nouvelles pièces de marché adaptées à ce nouveau cadre, avec notamment la participation du groupement des entreprises de la filière électronumérique française (GIMELEC), de la fédération française du bâtiment (FFB), de la fédération française des services énergie et environnement (FEDENE) dont le syndicat national de l'exploitation climatique et de la maintenance (SNEC) et le syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine (SNCU) a considérablement contribué à enrichir les documents produits.

Ainsi, très récemment ont été livrés un cahier des clauses administratives générales (CCAG), un cahier des clauses administratives particulières (CCAP), des modèles d'avis d'appel public à la concurrence et de règlements de consultation, ainsi qu'un guide d'utilisation.

Il est important de noter que le clausier CPE FNCCR s'adosse uniquement sur le marché global de performance défini aux articles L. 2171- 3 et R. 2171- 2 du Code de la commande publique, financé exclusivement sur fonds publics. Les marchés de partenariat ne rentrent pas dans le cadre de ce clausier, lesquels demeurent des contrats d'exception moins adaptés dans la perspective d'une massification des CPE.

Les CPE : une origine récente mais des adaptations continues

Les CPE sont aujourd'hui plus que jamais indispensables à la transition énergétique et détiennent une place centrale dans la réalisation des objectifs de réduction des consommations d'énergie.

Les objectifs fixés par le dispositif éco-énergie aux horizons 2030, 2040 et 2050 sont ambitieux, c'est pourquoi les collectivités territoriales et les EPCI doivent pouvoir disposer d'outils performants et opérationnels pour réaliser leurs missions. Les CPE jouent donc un rôle clé dans la réussite des projets de rénovation énergétique menés par les collectivités.

Portés dans un premier temps par les directives européennes puis transposés endroit français dans le cadre des lois POPE de 2005, Grenelle de 2009 et 2010, puis par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015 et la loi Elan de 2018, les CPE sont aujourd'hui un outil adapté aux collectivités souhaitant se lancer dans la rénovation énergétique de leur parc de bâtiments.

À cet égard, et au vu des évolutions des règles de la commande publique, des nouveaux schémas financiers existants et des évolutions de l'organisation territoriale, la mise à jour des pièces constitutives des CPE est aujourd'hui essentielle à leur bonne mise en œuvre, c'est ce qui a conduit à la genèse de ce groupe de travail, permettant de conserver le rôle moteur des CPE dans l'optimisation et la baisse des consommations énergétiques.

Dans le champ de la commande publique, un CPE peut être défini comme « tout contrat conclu entre un acheteur public et une société de services d'efficacité énergétique visant à garantir, par rapport à une situation de référence contractuelle, l'amélioration de la performance énergétique d'un bâtiment ou d'un parc de bâtiments, vérifiée et mesurée dans la durée, par un investissement dans des travaux, fournitures ou services »(1).

Peuvent être considérées comme agissant en qualité de « sociétés de services d'efficacité énergétique » (SSEE), « toute entreprise, quel que soit son secteur principal d'activité, intervenant comme cocontractante d'un acheteur public et qui met en œuvre des travaux, fournitures ou services visant à réduire les consommations d'énergie dans le cadre d'un CPE »(2).

Différentes familles de CPE pour s'adapter aux besoins des collectivités

Derrière cette définition commune, il existe différentes familles de CPE. Cette variété met à la disposition des acheteurs publics une palette de solutions qu'ils pourront retenir en fonction de l'état du bâtiment ou du parc concerné, de leur projet technique, de leurs ressources financières et des temps de retour sur investissement qu'ils attendent, etc.

On distingue habituellement quatre grandes catégories de CPE, en fonction de la nature et du type d'investissements réalisés en début de contrat, c'est-à-dire en fonction des actions de rénovation engagées. Toutes les combinaisons entre les éléments de ces familles sont également possibles et laissées au libre choix de l'acheteur.

Ces quatre familles, classées par degré croissant d'ambition énergétique et de coût, sont les suivantes :

- les CPE Fournitures et Services qui couvrent deux catégories, selon le type d'équipements fournis :

-- les CPE fondés sur l'évolution, le remplacement, le complément, l'amélioration des équipements et systèmes de gestion, de régulation et de pilotage énergétiques du bâtiment. Ce type de CPE est habituellement considéré comme permettant de réduire de 5 à 10 % les consommations énergétiques du bâtiment, pour un investissement initial relativement faible ; le temps de retour est de ces investissements estimé dans une fourchette de 1 à 5 ans ;

-- les CPE fondés sur l'évolution le remplacement, le complément, l'amélioration des équipements et systèmes de production, de distribution, de diffusion ou d'équipements consommateurs d'énergie dans le bâtiment. Ce type de CPE est habituellement considéré comme permettant de réduire de 10 à 20 % les consommations énergétiques du bâtiment pour un temps de retour estimé entre 10 et 12 ans ;

- les CPE Travaux et Services mettant en œuvre des travaux sur l'enveloppe même du bâtiment. Cette famille regroupe les contrats qui visent principalement les travaux sur le bâti par exemple refaire l'étanchéité d'un bâtiment. Ce type de CPE est habituellement considéré comme permettant de réduire les consommations énergétiques du bâtiment de 20 au moins, pour un temps de retour de plus de 15 ans.

Compte tenu du coût des travaux, ces contrats ne peuvent habituellement pas être financés uniquement par les économies d’énergie réalisées ;

- les CPE Globaux combinant l’ensemble des solutions précédentes. Cette famille fait appel à des compétences transversales ainsi qu’à l’ensemble des solutions de rénovation énergétique des différents CPE précités. Généralement, les entreprises doivent s’organiser en groupements pour porter ce type de CPE.

L'atteinte de la performance et sa garantie, les pivots d'un CPE

L'objet principal du marché est de garantir l'amélioration de la performance énergétique réelle des bâtiments par rapport à la situation de référence. Pour cela, cinq points clés doivent être respectés.

Il doit être défini une situation initiale des bâtiments à partir de l'ensemble des données et informations quantitatives et qualitatives constatées sur une période représentative et éventuellement corrigées de tout facteur externe ayant un impact significatif sur la consommation, faisant apparaître les caractéristiques des bâtiments au regard de leur performance énergétique et environnementale. C'est la situation de référence.

Le bouquet de travaux nécessaire à l'atteinte de la performance énergétique souhaitée par la collectivité doit être établi. Cette phase intègre différentes étapes allant de l'analyse du patrimoine du maître d'ouvrage au regard des enjeux énergétiques et organisationnels, à la sélection du ou des bâtiments qui possèdent le meilleur bilan coût -efficacité énergétique pour la mise en œuvre du CPE ou qui nécessite d'être intégrée pour respecter les objectifs du dispositif éco-énergie tertiaire, en passant par la réalisation des diagnostics énergétiques détaillés et les plus exhaustifs possible et la définition et scénarisation des travaux à réaliser pour valider le niveau de performance à atteindre.

Une fois l'ensemble des travaux réalisés, il est nécessaire d'assurer un suivi et une analyse des consommations des bâtiments afin de s'assurer de l'atteinte des objectifs de performance énergétique et de suivre les performances prévues tout au long du CPE. Le plan de mesures et vérifications (PMV) de la performance énergétique est l'arbitre du CPE. Il définit la méthodologie employée pour vérifier l'atteinte des performances garanties.

L'obligation essentielle du titulaire est de garantir la baisse des consommations d'énergie. La garantie de performance énergétique consiste pour le titulaire à indemniser le maître d'ouvrage de la totalité du préjudice subi pour toute surconsommation par rapport à l'objectif contractuel. La mise enjeu de la garantie de performance énergétique prend a minima la forme d'une réparation en numéraire. À titre complémentaire ou alternatif, les documents peuvent prévoir une réparation en nature, c'est-à-dire la reprise du bouquet d'amélioration de la performance exécuté et/ou des actions complémentaires, financées par le titulaire et destinées à permettre l'atteinte effective de l'objectif contractuel, pour la durée restant à courir du marché et au-delà pour la durée de vie des bâtiments. En cas de sur performance, un bonus ou intéressement mérite d'être versé à l'opérateur. La clé de répartition de l'intéressement du titulaire à la sur performance est classiquement fixée à 50 % pour le titulaire et 50 % pour le maître d'ouvrage. Un partage différent peut être mis en place pour tenir compte des particularités de chaque projet.

Enfin sensibiliser les occupants et former des agents techniques, afin de donner sa pleine portée aux missions permet d'améliorer la performance énergétique des bâtiments. Il est recommandé de charger le titulaire d'une mission de sensibilisation des occupants et de formation des agents techniques, accompagnant les actions de rénovation et l'exploitation-maintenance des installations techniques.

Inclure ou non la fourniture d'énergie dans le CPE ?

Le maître d'ouvrage peut décider librement d'inclure ou non dans son CPE la fourniture d'énergie (P 1). Le clausier CPE FNCCR ne prévoit pas d'inclure le P1 du CCAG comme solution de base.

La collectivité peut toutefois décider de déroger à cette solution au regard de la spécificité de son projet. Le CCAP précisera le cas échéant, dans quelle mesure la fourniture d'énergie pourra faire partie du CPE en prévoyant expressément une clause dérogatoire au CCAG dans le cahier des clauses particulières. Ce choix correspond à un traitement plus vaste de la question énergétique. Il demeure de la responsabilité du maître d'ouvrage de mesurer les avantages et les inconvénients d'une telle solution qui, en droit, n'est ni proscrite ni prescrite.

La valorisation des certificats d'économie d'énergie

Le contrat de performance énergétique permet de garantir la réalisation d'économies d'énergies sur des bâtiments ciblés. Ces économies d'énergie permettent au maître d'ouvrage d'obtenir des certificats d'économies d'énergie (CEE), pouvant ensuite être valorisés par lui-même, ou par le biais d'un acteur intermédiaire.

Il a été fait le choix dans le CCAG CPE de laisser le maître d'ouvrage valoriser les CEE dont il est titulaire, de même que tous les autres types de financement ou subventions (dégrèvement TFPB, fonds chaleur Ademe, etc.) sur les opérations menées dans le cadre du CPE.

Ce choix implique a minima que le titulaire produise pour le compte du maître d'ouvrage l'ensemble des pièces écrites (attestations, notices techniques, facturation) nécessaires à la valorisation des CEE.

À titre complémentaire, le CCAG CPE demande au titulaire de garantir un volume de CEE. Le maître d'ouvrage sera ainsi endroit d'exiger le versement d'une indemnité dans l'hypothèse où le projet ne permettrait pas d'obtenir tout ou partie du volume de CEE garanti. Cette indemnité sera égale à la valeur des CEE non obtenus, calculée sur la base de l'engagement du titulaire exprimé en Mwh cumac et du prix de valorisation moyen pour le maître d'ouvrage fixé par les documents particuliers du marché (en €/Mwh cumac).

CPE et dispositif éco-énergie tertiaire

Le dispositif éco-énergie exprime l'obligation de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire et aménage les conditions et modalités de mise en œuvre de cette obligation (modulation, soutenabilité financière, etc.). Le CPE constitue l'un des outils les plus efficaces de mise en œuvre opérationnelle de l'obligation applicable à tel ou tel bâtiment.

Les règles et paramètres du dispositif éco-énergie et du CPE n'ont donc vocation à être pas strictement identiques même si elles poursuivent un objectif commun. Le dispositif éco-énergie s'applique aux seuls propriétaires et preneurs alors que le CPE organise les relations entre le propriétaire et/ou le preneur d'une part et le titulaire du CPE d'autre part. Le CPE, qui s'inscrit dans la trajectoire du dispositif éco-énergie peut porter sur une période plus courte et ne pas assurer, en une seule fois, l'intégralité de la réduction légale des consommations énergétiques pour la période concernée.

Le CPE met en place un appareillage contractuel très détaillé que l'obligation légale et réglementaire ne décrit pas, ce qui est normal. De même, il peut s'appliquer à des bâtiments soustraits à l'obligation de réduction de la consommation d'énergie finale.

Au final, que ce soit dans le cadre du dispositif éco-énergie tertiaire ou d'une approche performancielle plus globale du maître d'ouvrage, le CPE s'impose comme un outil-clef de la bonne gestion immobilière de son parc.

1 O. Ortega, Les contrats de performance énergétique, Doc.fr., 2011.

2 O. Ortega, op. cit.

Source:    www.lemoniteur.fr


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