Bâtissons ensemble la Grande Muraille Verte et relevons les défis du Sahel

Publié le 19/02/2022 | La rédaction

L’instabilité croissante des zones arides du continent Africain, alimentée par une pauvreté profonde, menace les moyens de subsistance de millions de personnes. Elle favorise une migration grandissante au sein du Sahel et en partie vers l’Europe, et met en péril la survie de certains pays.

S.E Mahamadou Issoufou, ancien président du Niger, président de la Fondation Mahamadou Issoufou, et membre du Groupe des Personnalités de haut niveau de la Fondation Afrique-Europe (AEF) ; Chrysoula Zacharopoulou, députée européenne, co-présidente des groupes de stratégies de la Fondation Afrique-Europe (AEF) et co-présidente de l’initiative du conseil COVAX ; and Catherine Chabaud, députée européenne et navigatrice française.

L’année dernière, les différents coups d’État qui ont frappé le Sahel ont envoyé un signal de crise toujours plus fort. Récemment, ceux-ci ont été condamnés lors de la 35ᵉ Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Africaine. 

Dix ans après la chute du président libyen Kadhafi, les gouvernements du Sahel sont confrontés à une lutte inégale contre des insurgés violents. La collaboration militaire a été mise à rude épreuve et les institutions administratives ont été fragilisées. 

L’immense effort en sang et en argent consenti par les armées de la région et leurs partenaires occidentaux pour réprimer les insurrections n’aura pas de fin, à moins qu’un développement à grande échelle et des gouvernements responsables s’attèlent aux problèmes fondamentaux. 

Il est urgent de comprendre et résoudre la combinaison des défis socio-économiques et environnementaux présents au Sahel. Pour ce faire, la restauration et la viabilité des terres dans lesquels les agriculteurs et les éleveurs cherchent à gagner leur vie est une priorité. Dans toute la région, les revenus des agriculteurs et des éleveurs restent parmi les plus bas au monde et les jeunes générations sont de plus en plus nombreuses à quitter les zones rurales. 

Si le Sahel a connu des améliorations significatives en matière de santé et d’éducation, les progrès en termes d’Objectifs de Développement Durable (ODD) ont été inégaux à travers la région. Les faibles rendements ont été exacerbés par l’incertitude des droits fonciers et l’accès aux ressources naturelles ainsi que les pressions environnementales sont exacerbées par la crise climatique. L’agroforesterie et l’agroécologie peuvent aider à mettre en place une production végétale et animale résiliente dans ces régions.

Il y a un an, en janvier 2021, un nombre important de grands donateurs bilatéraux et multilatéraux se sont engagés à hauteur de 14 milliards d’euros pour supporter le projet de la Grande Muraille Verte (GMV) lors du « One Planet Summit » organisé par le président Macron. Avec ces ressources financières, le projet de GMV pourrait inciter une transformation profonde de la région.

Après avoir été élaborée comme un projet visant à planter des millions d’arbres en bordure du Sahara, la GMV adopte désormais une approche réfléchie, en mosaïque, adaptée au contexte local et qui reconnait l’importance des connaissances et expertises humaines. Dotée d’une capacité financière et d’une approche plus intégrée, la GMV pourrait devenir totalement transformatrice pour la région et contribuer au développement rapide d’initiatives locales. 

De nombreux pays de la région ont commencé à reconnaître l’importance de régénérer leurs terres fortement dégradées, notamment dans le cadre de leurs contributions Déterminées au niveau National (NDCs) comme convenu lors de l’Accord Climatique de Paris en 2015. Certains pays, comme le Niger, sont allés beaucoup plus loin et ont commencé à clarifier les droits liés au foncier et aux arbres, contribuant ainsi aux efforts liés à la restauration des terres.

En vue du sommet UA-UE du 17-18 février et de cette année décisive pour le renforcement des relations entre l’Afrique et l’Europe, notre défi en 2022 est de supporter cet important engagement financier envers la GMV puisse faire le plus grand bien, en élaborant des politiques adéquates, en encourageant des initiatives à plusieurs échelles, et en soutenant des actions concrètes pour restaurer les paysages du Sahel et leurs productivités. 

La clé sera de tirer les leçons des initiatives ayant démontré des résultats satisfaisants à travers le Sahel, où un cercle vertueux de régénération entre les arbres, sols, biomasses et ressources hydriques aura permis d’augmenter la fertilité et les rendements de la terre ainsi que de renforcer les moyens de subsistance des populations, grâce à une gouvernance locale solide.

Des exemples d’approches holistiques ont permis de transformer avec succès des paysages au Niger, Sénégal, Burkina Faso, Mali, Soudan, Éthiopie et ailleurs. 

Dans chaque cas, l’amélioration du régime foncier et de la gouvernance, généralement soutenue par une assistance technique ciblée, a encouragé la régénération des arbres et une meilleure gestion du pâturage, inversant rapidement la dégradation des terres et stimulant leurs productivités.

Ce processus permet la mise en place d’un cercle vertueux de développement : les agriculteurs et les éleveurs se sentent suffisamment confiant pour investir dans leurs terres et exploitations et pour cultiver de nouveaux produits. Cela génère des emplois dans le secteur de l’agriculture et au-delà, encouragent les jeunes à rester auprès de leurs communautés et de les aider à se développer.

Parallèlement au travail acharné des agriculteurs et populations locales, les gouvernements doivent également investir dans des infrastructures publiques, les routes et une meilleure couverture télécoms, ainsi que dans les services essentiels de santé et d’éducation. Contrairement à l’impact très mitigé des investissements agricoles à grande échelle dans la région, les bénéfices de ces investissements institutionnels, techniques et économiques dans les communautés locales sont souvent bien plus positifs.

Les gouvernements du Sahel doivent démontrer à leurs populations qu’ils sont capables d’écouter, d’apprendre et de soutenir les priorités des populations locales. Le moment est venu de redonner vie aux terres, pâturages et paysages ainsi que de contribuer aux moyens de subsistance des pays du Sahel. Dans ce cadre, les partenaires stratégiques, y compris l’Union Européenne, doivent démontrer qu’ils peuvent se mobiliser pour soutenir un programme d’action collectif pour mettre le Sahel sur la voie de la prospérité.

Source:    www.euractiv.fr


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