Ces antillais qui ont choisi de s’installer en Afrique : une diaspora paradoxale en même temps qu'un retour aux sources

Publié le 10/11/2021 | La rédaction

Ils se sont souvent connus en France à l’occasion de leurs études et ont choisi de « revenir » aux sources … à l’Afrique, notre terre. La terre de nos ancêtres. Dans la diaspora, il y a René Maran, administrateur en Oubangui-Charri et en même temps écrivain. Il est en 1921 le premier prix du Goncourt en France avec son roman Batouala.

Puis, il y a Félix Eboué, le « militaire » chargé du ralliement de l’Afrique à la France libre lors de la deuxième guerre mondiale.

Enfin, il y a Gabriel Lisette, ancien de l’École des administrateurs des colonies qui sera administrateur au Tchad.

C’est ce premier mouvement qui peut expliquer que notre diaspora présente en Afrique réunisse des intellectuels et autres fonctionnaires souvent mariés à des africaines ou africains qui exercent le métier de médecins, d'hommes ou de femmes de loi ou de fonctionnaires dans les administrations des colonies françaises d'Afrique de l'Ouest.

Il s'établit donc une relation triangulaire entre la France, lieu des études supérieures et de l'administration centrale, les Antilles-Guyane (devenues départements français après 1946) entité civilisationnelle à part entière par son histoire qui allie de façon syncrétique cultures africaines et cultures occidentales, et l'Afrique francophone, terre d'origine sous administration française jusqu'à l'indépendance des années soixante.

Là se nouent des relations entre antillais, guyanais et africains, qui débouchent souvent sur des unions. L’intégration de nos antillais-guyanais n’est pas facile même s'ils retrouvent en Afrique des éléments culturels qui facilitent leur intégration. À Yaoundé, par exemple, ils créent le Club Caribéen parce qu'ils veulent se retrouver ensemble pour partager les nouvelles du pays -Guadeloupe, Martinique et Guyane- mais l’idée est de faire connaître en même temps les pays de la Caraïbe.

De leur point de vue, antillais et guyanais se considèrent comme bien intégrés ; c’est ce que tous disent trente ans plus tard à l’occasion du reportage Radio Télescopie de Blaise Mendjiwa pour Éclair TV en Guadeloupe, sur la « diaspora antillaise au Cameroun ». Pour nombre d’entre eux, le sentiment d’être chez soi a aidé beaucoup à se faire accepter d'autant qu'il y a les mêmes fruits et légumes et une cuisine pas trop éloignée de celle de la Caraïbe.

Originaire de la Guadeloupe, du Cameroun, de la Martinique, du Sénégal, de la Guyane ou de la Centrafrique … on se retrouve dans une même famille, cercle essentiel en Afrique, voire de la tribu. A ce niveau il n’y a pas dépaysement ; certes la famille africaine c’est la très grande famille où l'on retrouve les notions de solidarité, d’entraide pour « encadrer » tous les membres : frères, sœurs, enfants, cousins et cousines…

Enfin la diaspora, c’est une émotion lorsqu’elle découvre après l’île de Gorée une autre île du côté de Bimbia dans le sud-ouest Cameroun.

Certes les antillais ne sont pas toujours à se référer à leurs origines africaines, mais la diaspora maintient un lien naturel avec le continent et c’est donc tout naturellement que certains vont rechercher leurs racines… et quand on retrouve dans l’une des régions du Golfe de Guinée une trace du nom que l’on porte chez soi, aux Antilles, c’est un choc émotionnel indescriptible.

Comme dit un jour un vieil africain à une martiniquaise arrivant au Cameroun : « Bienvenue ma fille, tu es enfin revenue chez toi ?!

Cette diaspora africaine aux Amériques est donc sans ambiguïté afro-descendante et c'est Alpha Blondy qui dit, à l’occasion des hommages rendus au leader de Kassav, que Jacob Desvarieux, de regretté mémoire, n’est pas un Guadeloupéen, il est d’abord africain, un africain parti en Guadeloupe.

Après les anciens qui ont découvert l’Afrique par le biais des missions de coopération décidées par la France, les membres de la diaspora antillais-guyanaise d’aujourd’hui travaillent dans le secteur de la culture, des services ou de l'agriculture : ils sont musiciens, cuisiniers, commerçants, chefs d’entreprises ou ingénieurs...

Ces nouvelles générations font le tour du monde. Elles sont maintenant présentes en Europe, en Asie, aux Amériques … contribuant ainsi au métissage, le « tout monde » de notre Édouard Glissant. 

Henri Yacou

Conseiller municipal de Sainte-Rose – Guadeloupe

Responsable Antilles au sein du réseau Africa-Mundus


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