Bénin/Contributions des diasporas béninoises au développement de leur pays : << Les membres de la diaspora... sont souvent perçus comme une menace >> .. selon Me Isdeen OUABI

Publié le 24/10/2021 | La rédaction

Bénin

La contribution des diasporas au développement de leur pays d'accueil et d'origine n'est pas négligeable. En ce qui concerne le Bénin, il existe plusieurs faitières de diasporas notamment en France où vit par exemple Me Isdeen OUABI, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine. Après une licence en droit à l'université de Lille 2, une maîtrise en sciences politiques option relations internationales à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne puis un DESS en diplomatie et administration des organisations internationales (université de Sceaux), il obtient son doctorat en droit et son certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) à l'École de Formation du Barreau de Paris. Conseiller municipal depuis trois mandats successifs, il est élu en cette qualité, secrétaire général de l'association des Élus Français d'Origine Béninoise (EFOB) dont il est le co-fondateur. Il est aussi délégué aux affaires juridiques de la sous-section Île-de-France de l'Union Progressiste (UP) section pays France. La Rédaction de www.jumelages-partenariats.com vous livre ici la substance de notre entretien.

www.jumelages-partenariats.com: Quel regard portez-vous sur les diasporas de manière générale. Quel est leur rôle et quelle place occupent-elles dans le développement des pays tant d'accueil que d'origine ?

- Me Isdeen OUABI: Vous avez raison de parler de diasporas au pluriel. En effet, très diverses, les diasporas, notamment les diasporas africaines sont à l'image des 54 États qui composent l'Afrique. Selon le député LREM Patrice ANATO, Président du Forum des Diasporas, « en France la diaspora africaine, c’est 3,6 millions d'individus, en partie des binationaux, ce sont 10 milliards de fonds transférés de la France vers l'Afrique.... soit bien plus que l'aide française au développement »>. En effet, la contribution des diasporas au développement se mesure essentiellement en termes de transfert d'argent vers les familles et les communautés, mais aussi de plus en plus aujourd'hui en terme d'investissements productifs. Lorsque nous prenons le cas du Mali, la diaspora contribue à 7% au PIB du pays. L'apport des diasporas ne doit pas seulement se mesurer à l'aune de leur contribution financière et de leur apport en main-d’œuvre qualifiée, mais plus généralement dans leur capacité à dresser des ponts entre les pays d'origine et de destination par lesquels transitent à la fois des échanges économiques, mais également des transferts sociaux ou des normes. Les diasporas jouent également un rôle non négligeable dans le pays d'accueil. Beaucoup de solutions innovantes sont développées depuis le pays d'accueil grâce au savoir-faire et aux compétences développés lors des cursus académiques. Les solutions développées sont à forte valeur ajoutée pour le continent notamment dans l'éducation, la santé, la culture, Le potentiel des diasporas est immense. Il nous revient de le valoriser dans les pays d'origine et de résidence.

Béninois d'origine, comment vous sentez-vous dans votre pays d'accueil et comment fonctionne votre organisation ?

Deux questions en une ! J'ai su m'intégrer facilement et rapidement dans la société française, sans oublier mes origines, sans rompre les liens avec mon pays d'origine le Bénin L'intégration passe notamment par la formation. J’ai cru en moi en arrivant en France et mon cursus universitaire m'a permis d'y arriver. On peut dire sans se tromper que l'ascenseur social n'est pas tout à fait hors service en France. Sur le plan des relations humaines, il y a un fait qui m'a quand même marque. Je n'ai pas connu de problème de racisme affiché jusqu'au jour ou lors d'un conseil municipal, un « collègue » du Front National a déclaré qu'il ne votera jamais ni pour un noir, ni pour un arabe », ce qui m'a choqué et choqué l'ensemble des élus. Lorsque je croise des justiciables dans les tribunaux ou lorsque je porte mon écharpe d'élu lors des cérémonies officielles, je ressens chez certains de l'admiration, chez d'autres de l'indifférence. Peu importe En ce qui concerne mon organisation, je crois que vous faites allusion à mon association d'Élus Français d'Origine Béninoise (EFOB). C'est une association loi 1901 qui a pour but de réunir les élus français d'origine béninoise adhérents aux valeurs républicaines dans le but de créer des liens de solidarité entre les membres qui la composent de contribuer à la bonne gouvernance des collectivités locales du Bénin ; d'accompagner fort de leurs expertises politiques et techniques les projets de coopération et de codéveloppement. Les organes de l'Association sont l'Assemblée générale, le Conseil d'administration et le Bureau Des commissions spécialisées peuvent être constituées au sein de l'Association. Des experts peuvent y être appelés à titre consultatif

Chaque communauté à l'étranger s'identifie particulièrement soit dans le sport, la danse, l'art, la culture, etc... Comment le Bénin par votre biais est-il vendu à l'extérieur ?

Le Bénin, c'est un peu de tout ça. Nous excellons dans nombreux domaines. Les cadres béninois sont très appréciés, qu'ils soient ingénieurs, techniciens, juristes, médecins, professeurs, chercheurs, scientifiques, artistes, etc... Notre pays s'auto-promeut via ses nombreux talents. La « marque Bénin se vend naturellement sans tambour ni trompette. J'y contribue certainement aussi.

Le retour au pays est-il envisageable pour vous un jour ? Autrement comment comptez-vous véritablement participer de façon active au développement du Bénin ?

On est aujourd'hui à la 2ème ou 3ème génération qui n'a plus la même relation avec l'Afrique que ceux qui sont arrivés dans les années 60/70, car ils n'y sont pas nés et ils n'y sont parfois jamais allés. Leur connaissance de l'Afrique se borne souvent à la transmission qu'ont pu faire les parents ou les grands-parents Quand la première génération a le souci du retour au pays et de l'investissement au pays, les 2ème et 3ème générations n'ont plus le souci du retour, mais plutôt de réussir en France. Je vous rassure, ce n'est pas mon cas. Je pense bien évidemment au retour comme beaucoup de compatriotes surtout depuis l'avènement du nouveau départ qui crée les conditions propices à ce retour pour y jouer un rôle actif Ce rôle peut prendre selon les cas la forme d'un engagement associatif ou politique, mais peut être lié à une activité professionnelle ou entrepreneuriale

Alors faites-nous un peu, en tant que faîtière de diaspora, l'état des lieux des relations avec votre pays d'origine le Bénin.

 Les élus français d'origine béninoise sont très attachés à leur pays d'origine. Nous entretenons de bonnes relations avec les autorités que ce soit au sommet de l'État ou à la base. Comme vous le savez nous avons signé avec l'Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB) une convention de partenariat sous la présidence du chef de l'État, Monsieur Patrice TALON. Les contacts entre nos deux associations sont réguliers et nous travaillons ensemble sur des projets.

Ce n'est pas toujours la lune de miel dans le couple pays d'origine-diaspora, il existe parfois une sorte de méfiance mutuelle qui finit parfois par une rupture des liens sur fond de déception de part et d'autre : comment cela s'explique-t-il ?

Trop souvent encore, celle ou celui qui vit à l'étranger est regardé étrangement dans les pays d'origine, entre défiance, envie et incompréhension. De nombreux pays d'origine ont dans une approche volontariste mise en œuvre des politiques incitatives pour attirer les diasporas. Mais il arrive parfois que les mesures d'aide au retour alimentent un sentiment négatif chez ceux qui sont restés au pays et compliquent ainsi le processus de réintégration. Les membres de la diaspora qui veulent investir ou se réinstaller dans leur pays d'origine sont souvent perçus comme une menace. Il est important de trouver le juste équilibre entre l'apport de nouvelles compétences et d'expériences par les diasporas et la contribution du personnel local.

Pourtant l'apport des diasporas aux pays d'origine est nécessaire voir indispensable. Alors, quelles sont les approches que vous proposez pour une collaboration visant l'intérêt supérieur notamment des populations qui n'aspirent qu'à un mieux-être ?

Une dynamique est lancée depuis 2016 qu'il faut soutenir, nourrie par les idées et accompagner. Il faudrait intégrer ou mieux intégrer la diaspora dans les stratégies de développement, valorisant ainsi l'expérience et le savoir-faire acquis à l'étranger. L'objectif n'est pas d'imposer, mais de co-construire avec les décideurs et les populations. Relevons tous ensemble le défi du développement en facilitant les relations et les partenariats entre la diaspora, les acteurs et décideurs locaux ainsi que les acteurs internationaux, en mobilisant davantage les compétences de la diaspora.

Je vous remercie

Interview réalisée par Irédé David R. KABA

 


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