Montpellier / Pacte de Milan : 91 villes réunies durant trois jours pour quel bilan ?

Publié le 15/10/2019 | La rédaction

France

Durant trois jours, le 5e Sommet des maires signataires du Pacte de Milan s'est tenu à Montpellier. Retour sur cet événement international fédérant les villes à travers la planète.

De lundi à mercredi, Montpellier a accueilli le 5e Sommet des maires signataires du Pacte de Milan. Sur les 200 villes engagées pour une alimentation durable, 91 étaient présentes notamment pour ratifier la Déclaration de Montpellier visant à aligner le Pacte de Milan sur l’agenda 2030 de l’ONU. Quand certains voient en la manifestation une publicité verte et réclament des actions plus fortes aussi bien localement que globalement, ses défenseurs comme Philippe Saurel soutiennent la coopération et le mouvement international lancé. Retour sur trois jours où l’avenir de la planète se jouait peut-être à Montpellier.

Des exemples à travers le monde

Initié en 2015 par une cinquantaine de villes, le Pacte de Milan a pour objectif d’échanger autour des bonnes pratiques sur la question alimentaire en mettant en avant les initiatives développées à un échelon local. Avec plus de 200 villes aujourd’hui, dont 25 nouvelles ont adhéré lors du Sommet à Montpellier, le réseau s’étend progressivement à travers la planète. À Montpellier, 91 villes étaient présentes avec 67 élus dont 20 maires soit 58 pays représentés ainsi que plusieurs ONG (FAO, OMS, ONU Environnement, ONU Habitat, UNICEF et Greenpeace). À titre de comparaison, l’année dernière à Tel Aviv, 85 villes étaient représentées, 22 maires ou élus et deux ONG (FAO et OMS) avaient fait le déplacement.

« Le Pacte de Milan, c’est 37 actions politiques concrètes dont les maires peuvent s’inspirer. Les villes peuvent être une partie du problème mais elles peuvent aussi être une partie de la solution car les maires ont le pouvoir de mener des politiques attachées aux réalités du terrain, de toucher les acteurs locaux » a rappelé Cécile Michel, la secrétaire générale du Pacte de Milan, en préambule au Sommet.

Durant trois jours, 400 chercheurs, élus et experts venus du monde entier ont ainsi partager leurs expériences. Si le lundi fut consacré aux initiatives et compétences du territoire avec des entreprises, associations, chercheurs… ainsi qu’ à la sensibilisation du public et notamment de 300 enfants des écoles venus assister à des spectacles au Corum, les délégations ont par la suite oeuvré à concrétiser les intentions du Pacte de Milan.

Parmi les exemples exposés, le maire de Ouagadougou (Burkina Faso) a présenté le projet de ceinture verte, confiée notamment à des associations de femmes pour assurer une production locale, autour de la ville afin de lutter contre les décharges sauvages. À Liège (Belgique), ce sont des terres communales qui ont été laissées à la disposition de coopératives pour la production de fruits et légumes destinés à être vendus en circuit court. La sacralisation de deux tiers des surfaces de la métropole de Montpellier notamment pour l’agriculture prévue dans le SCoT a suscité beaucoup d’intérêt.

Six villes récompensées
La cérémonie des Milan Pact Awards récompense lors de chaque édition du Sommet, les villes autour de six axes majeurs. Parmi les membres du jury, on retrouve les fondations Bloomberg, Mac Arthur, Européenne et Al Gore.
– Montpellier en France pour son approvisionnement et sa distribution alimentaires durables.
– Tel-Aviv en Israël dans la catégorie « Instaurer une gouvernance alimentaire locale » pour sa collaboration avec d’autres villes.
– Kazan en Russie pour sa bonne nutrition.
– Nairobi au Kenya pour l’équité sociale et économique et pour ses actions en termes de sécurité alimentaire.
– Rio de Janeiro au Brésil dans la catégorie production alimentaire.
– Sao Paulo au Brésil pour son action en matière de réduction du gaspillage alimentaire.

La Déclaration de Montpellier

Désireux d’aligner la texte originel du Pacte de Milan sur l’agenda 2030 de l’ONU et les 17 objectifs à atteindre en matière de développement durable, Philippe Saurel a profité du Sommet pour faire adopter la Déclaration de Montpellier. S’il ne détermine aucun cadre restrictif, le texte reprend les principes du Manifeste de Montpellier avec les ajouts suite aux différentes propositions des villes. Brazzaville (Brésil) a insisté sur l’hygiène alimentaire, Barcelone (Espagne) sur la santé alimentaire, Lima (Pérou) sur la culture quand Nantes (France) a fait ajouter comme objectif la suppression des plastiques.

« C’est un véritable engagement des villes de la planète autour de l’alimentation pour une ville durable » a salué Philippe Saurel qui contextualise la ratification de la Déclaration : « Il faut fixer un cadre qui soit mondialement acceptable et pouvant être discuté par les villes des cinq continents. Certaines ont fait déjà beaucoup de chemin d’autres en sont au tout début ». Le président de la Métropole insiste : « C’est autour des textes fondateurs que s’écrit l’histoire du monde ».

Une opération de communication ?

Si l’ONG Greenpeace a salué l’exercice et y a participé en mettant notamment l’accent sur les repas végétariens dans les cantines, tout le monde n’a cependant pas accueilli le Sommet du Pacte de Milan avec bienveillance. Le mouvement #NousSommes a tenu à dénoncer « le greenwashing de Philippe Saurel à six mois des Municipales » par une action symbolique mercredi à quelques mètres du Corum.

Les activistes d’Exctinction Rebellion sont allés plus loin en marquant leur présence dès le lundi, avec ANV COP 21, lors des tables rondes afin de réclamer des mesures rapides. Ils ont réitéré le dernier jour avec un membre qui a joué du pipeau lors de présentation de la Déclaration de Montpellier et une action choc sur la Comédie.

« Il faut aller vite pour le changement » reconnaît Philippe Saurel face à cette pression populaire avant de hausser le ton, « Mais dire, je veux tout et tout de suite, c’est du populisme. Nous sommes un pays de droit et il faut respecter le temps nécessaire pour les changements ».

Certains ont vu d’un mauvais oeil la cérémonie des Milan Pact Awards tenue au château de Pouget à Vendargues. D’autres, comme Michaël Delafosse candidat aux Municipales pour La Gauche qui nous rassemble, réclament des comptes quant au coût du Sommet.

Le coût du Sommet

Ce vendredi Philippe Saurel apporte des précisions donnant le chiffre de 300 000 €, dont 130 000 € pour le Corum géré par la Ville et la Métropole dans lesquels sont inclus différents éléments (sonorisation, scénographie, accueil, sécurité du site…). « Les frais de déplacement des délégations et l’organisation du Pacte de Milan a fait l’objet d’une délibération au conseil de Métropole qui a été votée à l’unanimité c’est à dire également par les membres du groupe socialiste qui sont aussi à la mairie » rappelle-t-il. Cette délibération du 30 septembre dernier prévoyait la prise en charge (transport et hébergement) liée à la venue de villes des pays en voie de développement estimée au maximum à 70 000 €.

Si l’on peut affirmer que le Sommet fut véritablement une vitrine, c’est en matière de visibilité et de tourisme pour la ville. Ainsi, Philippe Saurel estime à hauteur de 500 000 € les retombées économiques de ces trois jours avec un impact direct notamment pour les 23 hôtels sollicités afin de loger les délégations et indirect pour les prestataires.

« C’est facile de critiquer sur le coût qui est le même que pour le stand à la Foire Expo ou pour la Fête des Vignes et deux fois moins qu’une ZAT. Là on est sur une échelle mondiale » répond Philippe Saurel face aux attaques et lance un dernier argument : « Les 91 villes qui étaient présentes à Montpellier représentent 225 millions d’habitants c’est à dire quatre fois la France. Il faut avoir un peu d’utopie pour se hisser au niveau des enjeux ».

Montpellier renforce ses liens à l’International

Ces trois jours furent également l’occasion pour Montpellier de renouveler le partenariat avec la ville d’Obninsk en Russie et d’élargir les accords de coopération avec Rio de Janeiro au Brésil sur de nombreux domaines (urbanisme, social, développement durable, économie…). Certaines villes, comme New York avec la politique alimentaire de la Métropole, se sont également intéressées quant à la gestion du réseau de tramway, aux incubateurs, start-up, universités, hôpitaux, laboratoires de recherches…

« Nous avons discuté avec certaines villes, la possibilité de travailler ensemble pour les appels d’offres européens sur lesquels nous ne sommes pas trop présents » précise également le président de la Métropole, « Pour pouvoir y répondre, il faut trois villes de pays différents qui s’entendent sur la même thématique ».

En apposant le nom de la ville à la Déclaration, Philippe Saurel renforce également la place de Montpellier dans le réseau des villes à l’international. Après l’ONU et l’accueil du Sommet durant lequel il a multiplié les échanges, et les photos, avec les délégations, le président de la Métropole sera le 24 octobre à Paris pour présenter le Manifeste de Montpellier et le Fonds d’Urgence Climatique à l’UNESCO.

La suite

Si certains réduisent le Sommet du Pacte de Milan à une vitrine écologiste, Anna Scavuzzo, première adjointe du maire de Milan souligne son utilité : « Nous avons trouvé durant ces trois jours un cadre pour réunir nos efforts et aller vers nos objectifs. Chacun va pouvoir rentrer chez soi et transmettre toutes les expériences échangées. C’est le début d’une grande histoire. Montpellier a fait passer un message : il faut travailler tous ensemble et il faut donner leur chance aux villes ».

Un journaliste, spécialisé dans ces sommets internationaux, souligna l’importance pour le Pacte de Milan de désormais être présent lors des différentes COP pour se faire entendre auprès des états. Quant aux critiques à l’encontre du Sommet, il répond : « Une vitrine pour l’écologie comme celle-là, il en faudrait tous les jours. Tout n’est pas parfait mais la volonté est bien présente et des choses concrètes, et surtout transposables quelque soit le continent, ont été présentées ».

Avec comme point de mire 2030, les acteurs du Sommet ont conscience des enjeux : « Il faut plus que des mots. Il faut que les villes et les citoyens travaillent ensembles » complète Anna Scavuzzo. Si le Pacte de Milan présente de belles promesses, qui engagent bien plus que ceux qui les ont prises, la Déclaration de Montpellier peut impulser un véritable mouvement écologique à travers le monde. À condition que les signataires appliquent une véritable politique en matière de développement durable. Au risque, outre celui de voir l’état de la planète et des populations s’aggraver, de voir le Pacte de Milan devenir une énième coquille vide et donner raison à ses opposants.

Les prochains Sommets se dérouleront en 2020 à Mérida (Mexique) et 2021 à Barcelone (Espagne) où il faudra bien plus que des discours. Aux élus de désormais transformer les paroles en actions concrètes à l’échelle de leur commune. Quelque soit l’endroit sur la planète, cela reste sans doute celle où le citoyen est le plus exigeant et le plus vigilant. À Montpellier, Philippe Saurel est bien placé pour le savoir.

 

Source:  actu.fr

 

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