Le Commissaire Mimica : la coopération décentralisée restera au cœur de l’action extérieure de l’UE

Publié le 09/11/2018 | Thierry Roland Simen

Dans le cadre de son 10e anniversaire, PLATFORMA a signé un accord média avec Euractiv, afin d'évaluer le rôle de la coopération entre villes dans l'UE pour l'après 2020. Cette interview fait partie du rapport spécial d'Euractiv intitulé "Coopération décentralisée : quel avenir pour les collectivités locales dans la politique de développement de l'UE au dela de 2020?". Lisez l'interview complète ici (en anglais) et les extraits traduits par PLATFORMA ci-dessous.

Alors que les négociations sur le prochain budget à long terme de l’Union européenne sont sur le point de commencer, le commissaire Neven Mimica a défendu l’engagement de l’Europe envers les Objectifs de développement durable et a salué le rôle que jouent les autorités locales dans la coopération internationale.

Neven Mimica, commissaire chargé de la coopération internationale et du développement, a expliqué à Beatriz Rios, de EURACTIV.com, comment l’Union européenne envisageait de se conformer aux Objectifs de développement durable et quel serait le rôle des autorités locales dans ce sens.

La négociation du prochain cadre financier pluriannuel est sur le point de démarrer. Pensez-vous que la proposition actuelle est conforme aux engagements reflétés dans les Objectifs de développement durable ?

Oui absolument. Les Objectifs de développement durable sont au cœur de l’Agenda 2030 pour le développement durable, qui fournit un cadre mondial pour éradiquer la pauvreté et obtenir un développement durable dans le monde entier. Nous sommes attachés à cet Agenda et à ses Objectifs de développement durable.

Nous avons proposé un budget ambitieux pour l'action extérieure, d'un montant de 123 milliards d'euros pour la période 2021-2027. Cela équivaut à une augmentation d'environ 30 % par rapport à la période budgétaire actuelle, ce qui représente une augmentation très significative. L’une des principales propositions de l’action extérieure est de créer un instrument unique pour le voisinage, le développement et la coopération internationale, dont au moins 92 % iront à l’aide publique au développement. Cet instrument est pleinement conforme aux Objectifs de développement durable. L'éducation, la santé, la sécurité alimentaire ou l'éradication de la pauvreté - pour n'en citer que quelques-unes - continueront d'être les thématiques au premier plan de notre partenariat avec les pays en développement.

Pensez-vous que l’aide de l’UE à la coopération et au développement sera suffisamment financée dans le prochain CFP ?

Il est essentiel que l’UE puisse faire correspondre ses paroles à ses actions en ce qui concerne nos engagements vis-à-vis des ODD et la mise en œuvre du Programme 2030. Pour cela, nous avons besoin d’un budget ambitieux. Et je suis fier de dire que nous avons fait une proposition aussi ambitieuse. Selon la proposition de la Commission concernant l’instrument relatif au voisinage, au développement et à la coopération internationale, celui-ci sera doté de 89,5 milliards d’euros, ce qui nous permettra d’accroître le budget disponible pour la plupart de nos travaux. En Afrique sub-saharienne, par exemple, le budget augmentera de 23 %.

Je dois faire deux mises en garde : premièrement, la proposition de la Commission est très ambitieuse et positive pour la coopération au développement, mais ce sont le Parlement européen et le Conseil qui décideront. Deuxièmement, je suis convaincu que l’UE et ses États membres doivent tout mettre en œuvre pour concrétiser notre engagement ferme de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut au développement. Jusqu'ici, nous en sommes à environ 0,5 %. La proposition de la Commission sur le futur budget nous ferra faire un significatif pas en avant, mais il faudra que cela soit reflété dans les budgets nationaux de développement pour aller au bout.

En outre, nous devons trouver de nouveaux instruments novateurs qui nous aident à faire plus avec moins. Ainsi, l’accent mis sur le renforcement des instruments financiers de développement, comme l’actuel Plan d’investissement externe, qui vise à créer un effet de levier sur les investissements privés et publics dans des projets de développement durable susceptibles de créer de nouveaux emplois et de nouvelles opportunités. L’aide publique au développement à elle seule ne suffira pas pour répondre à tous les besoins en matière de développement durable.

Après une analyse approfondie de toutes les dispositions budgétaires, EURACTIV.com a indiqué que l'UE dépensera plus pour la migration et le contrôle des frontières que pour le développement de l'Afrique. Quel est votre avis à ce sujet ?

J'espère que des discussions avec nos experts contribueront à dissiper facilement ce mythe. La majorité des dépenses extérieures du budget de l'UE continuera d'être consacrée à la coopération au développement, grâce à notre engagement de consacrer plus de 92 % de nos fonds à l'aide publique au développement.

Les autorités locales et régionales ont joué un rôle important dans la coopération et le développement au fil des années, en particulier dans la localisation des Objectifs de développement durable. Cependant, dans le nouveau CFP, les fonds semblent être plus centralisés. Croyez-vous en l’importance de la coopération locale à locale ? Le CFP contient-il des outils pouvant être utilisés à cet effet ?

Je suis convaincu de l’importance des acteurs locaux pour une coopération au développement réussie. Pour mettre en œuvre les ODD, nous avons besoin de vastes partenariats allant bien au-delà des relations de gouvernement à gouvernement, dans lesquels les acteurs locaux jouent un rôle important.

Laissez-moi vous donner juste deux exemples pour souligner que nous sommes déterminés à renforcer le rôle des acteurs locaux : dans les pays fragiles, la coopération avec le gouvernement central peut être difficile ; dans ce cas, toutefois, l'expérience montre qu'au niveau local, une coopération extrêmement efficace sur des questions telles que la gestion des déchets ou les transports locaux permet de rétablir la confiance à plus grande échelle.

Un autre exemple concerne les pays en développement plus avancés qui améliorent avec succès leurs performances économiques ; dans leur transition vers des économies plus avancées, ils n'ont plus besoin d'aide, mais ils peuvent toujours bénéficier de notre soutien en termes de transfert de connaissances ou de renforcement des capacités – un domaine dans lequel la coopération entre villes peut s'avérer très efficace.

Ce que nous proposons est une rationalisation majeure des instruments de financement externe pour le prochain budget. Grâce à la création d'un vaste instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale, les complémentarités entre les instruments géographiques et thématiques devraient être renforcées. Les actions actuellement financées par le biais de programmes thématiques (y compris ceux concernant les autorités locales) devraient plutôt être mises en œuvre, dans la mesure du possible, par le biais de programmes géographiques.

Cela contribuera à nous assurer que nous serons mieux équipés pour appliquer la bonne combinaison d'outils pour chaque pays sans causer de chevauchements ni d'incohérences. Cela contribuera également à rapprocher l'action de l'UE des pays partenaires et de leurs populations.

Que peuvent faire les autorités locales et régionales dans ce cadre pour rester engagées dans ce domaine ? Comment voudriez-vous qu'elles s'impliquent dans la coopération et le développement ?

Les discussions sur le prochain budget sont toujours en cours avec le Parlement européen et le Conseil. Par conséquent, des décisions doivent encore être prises.

Néanmoins, je peux déjà dire que les collectivités locales et régionales auront, comme d'habitude, un rôle important à jouer dans la mise en œuvre des actions. Nous comptons sur leur collaboration pour assurer le succès de nos politiques de développement. Je suis sûr que la bonne coopération continuera.

La migration sera une question clé pour les partenaires africains et européens. Comment faire pour que cela ne devienne pas une condition nécessaire pour coopérer avec eux, comme le suggérait le nouveau Consensus européen sur le développement ?

En vous référant au nouveau Consensus européen sur le développement, permettez-moi de préciser un point : le consensus ne subordonne pas la coopération au développement à la migration. Face aux complexités actuelles de la migration et de la mobilité, il reconnaît la nécessité d’une approche globale et structurée, afin de maximiser toutes les politiques et tous les outils de l’UE. Nous devons faire de la migration une question d’aspiration et non de désespoir.

Ceci est également vrai pour l'Afrique. La coopération avec les pays africains ne sera jamais subordonnée au dossier de la migration. Pour l'accord post-Cotonou, nous nous concentrerons sur la recherche de réponses sur mesure et de partenariats renforcés avec les pays africains, et non sur des conditions imposantes.

Source: www.ccre.org

Thierry Roland Simen


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