France/Le vélo et le covoiturage entrent en campagne

Publié le 16/04/2021 | La rédaction

France

Le 1er juillet, les communautés de communes qui en ont émis le souhait deviendront des autorités organisatrices de la mobilité. Cette compétence doit réduire la dépendance du monde rural à la voiture.

La dernière ligne droite témoigne de l'ampleur du mouvement : durant la seconde quinzaine du mois de mars, des dizaines de communautés de communes ont choisi de se saisir de la compétence d'autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Il était temps : l'échéance avait été fixée au 31 mars 2021 par la loi d'orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019. Des ministres avaient même envoyé un courrier aux préfets pour accélérer le processus.

« Planification et expérimentation ». Derrière ce sprint final se cache un travail de longue haleine mené par France Mobilités, organisme de coordination créé par la LOM, avec l'appui de trois piliers de l'ingénierie d'Etat : l'Agence de la transition écologique (Ademe), le Centre d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et la Banque des Territoires. « Le confinement a généré des modes de communication très efficaces dont les communautés de communes se sont emparées, selon des modalités propres à chaque cellule régionale animée par l'Etat », témoigne Isabelle Mesnard, directrice de projet France Mobilités au Cerema. Parmi ses récentes contributions à l'appropriation de la nouvelle compétence intercommunale, l'Ademe cite son guide « Développer le système vélo dans les territoires », publié en mars. En parallèle, l'agence réédite depuis 2018 ses appels à manifestation d'intérêt (AMI) destinés aux territoires d'expérimentation pour les nouvelles mobilités durables (Tenmod) avec deux objectifs : « Planification et expérimentation », résume Jérémie Almosni, chef de service Transport et mobilités.

Pour accompagner les nouvelles AOM, la Banque des Territoires a demandé à un groupe d'étudiants de la chaire d'économie urbaine de l'Essec de répondre à cette question : « Quelles alternatives à la voiture individuelle en zone peu dense ? » Le guide issu de cette réflexion « recense les solutions abordables, à travers le prisme de territoires archétypaux, depuis le rural dépourvu de centralité jusqu'aux périphéries des métropoles en passant par les espaces qui relient plusieurs agglomérations sans en faire partie », synthétise Pierre Aubouin, directeur du département Investissement en infrastructures et mobilité à la Banque des territoires.

Jacobinisme contre balkanisation. Les remontées d'informations encore officieuses, postérieures à l'échéance du 31 mars, montrent un net déficit du Sud de la France dans la création d'AOM, en particulier de l'Occitanie, de la Nouvelle-Aquitaine et d'Auvergne-Rhône-Alpes. « Dans un réflexe jacobin à l'échelle de leur territoire, certains conseils régionaux sont allés jusqu'à une sorte de chantage peu conforme à l'esprit de la loi : je vous offre un package d'intermodalité à condition que vous ne preniez pas la compétence », s'insurge un membre du cabinet du ministère de la Cohésion des territoires. Comme le prévoit la loi, les régions exerceront la compétence là où les communautés de communes ne l'ont pas demandée.

L'Occitanie revendique cet exercice direct au nom de la lutte contre la « balkanisation de la compétence mobilité », entre ses 4 500 communes, ses 120 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et ses 13 départements : « Ouverts à tous les EPCI chaque troisième jeudi du mois, les comités départementaux ont dressé un état des lieux et formulé des propositions qui permettent d'avancer dans la définition des bassins de mobilité », précise Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région chargé des mobilités et des infrastructures, mais aussi président du premier groupement régional des autorités responsables de transport (Gart régional). De l'autre côté du pays, « la Bourgogne-Franche-Comté s'est mobilisée dès le mois suivant la promulgation de la LOM, pour en promouvoir l'application à travers une série de réunions départementales qui ont abouti à la délibération de juin 2020, fixant les périmètres des 22 bassins de mobilités ruraux », détaille le premier vice-président du conseil régional Michel Neugnot. Dans la foulée, une contractualisation avec les départements préside à la mise en œuvre du schéma régional de covoiturage qui porte sur 200 aires, dont la moitié reste à construire.

Outre l'autopartage, la grande mutation concerne le vélo et son intégration dans des systèmes multimodaux, sous les effets conjugués de la LOM, du plan national vélo 2018-2024 et de la crise sanitaire. Même si la compétence d'AOM cible les services et non les infrastructures, elle n'en constituera pas moins un puissant accélérateur, y compris dans des territoires qui partent de zéro comme la communauté de communes du mont des Avaloirs (16 000 habitants, 26 communes de Mayenne). Alors que la part modale du vélo dans les déplacements domicile travail s'élève à 1 % sur son territoire, elle a finalisé son schéma directeur fin juin, grâce au soutien débloqué en 2018 par France Mobilités.

 

La grande mutation concerne le vélo et son intégration dans des systèmes multimodaux

Dans la foulée, l'établissement a choisi le 25 février de se doter de la compétence optionnelle. « En systématisant l'accessibilité des quatre pôles de centralité à moins de 5 km, l'aménagement couvrirait les deux tiers des déplacements potentiellement transférables au vélo », résume Cyril Couroussé, chargé de mission à la collectivité.

Points noirs accidentogènes. Mise en appétit par deux itinéraires inscrits au schéma national des véloroutes traversant son territoire, la communauté de communes Mad-et-Moselle (20 600 habitants, 48 communes de Moselle et Meurthe-et-Moselle) a également placé la petite reine au centre de ses préoccupations, dès sa création en 2017, suivie rapidement par la prise de compétence AOM. En 2022, la mise en chantier de la passerelle vélo sur la Moselle entre Corny et Novéant sécurisera un passage accidentogène sur la véloroute V50 (liaison nord-sud Moselle-Saône).

La résorption des points noirs pour la continuité cyclable et la connexion entre les besoins locaux et les véloroutes nationales se trouvent aussi au cœur des préoccupations d'une nouvelle AOM : la communauté de communes de Chinon Vienne et Loire (25 000 habitants, 19 communes d'Indre-et-Loire), lauréate 2020 de l'appel à projets Tenmod de l'Ademe, a délibéré en ce sens le 16 mars (voir encadré ci-contre) . « Seuls les kamikazes circulent à vélo sur le pont qui traverse la Loire, à proximité de la centrale nucléaire de Chinon », déplore Monique Chaye, directrice du développement économique et territorial de la collectivité. Après l'état des lieux dressé par Egis, la prochaine consultation relative au schéma vélo et au plan de mobilité simplifiée - procédure souple prévue par la LOM - calera l'argumentaire communautaire dans les négociations à venir avec le département, propriétaire du viaduc.

Des territoires attentistes. Des rives de la Loire à celles de la Moselle, l'effervescence des intercommunalités rurales pour décarboner la mobilité ne contredit pas le pronostic de Michel Neugnot. « Il n'y aura pas de grand soir au lendemain de la naissance des nouvelles AOM. Il faudra cinq à dix ans pour définir et mettre en œuvre les projets », déclare le vice-président de Régions de France. Sans doute l'éradication des zones blanches de la mobilité verte passera-t-elle aussi par de nouvelles étapes administratives : malgré l'irréversibilité de l'échéance du 31 mars 2021, la loi entrouvre la porte à une nouvelle vague d'AOM qui, à l'avenir, pourront naître de fusions intercommunales ou de changements de statuts de syndicats mixtes de transport. L'Assemblée des communautés de France identifie un nombre significatif de territoires qui se sont mis en position d'attente, avant de mettre leurs roues dans celles des pionniers.

Source:    www.lemoniteur.fr/


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