Entre la déconcentration et la décentralisation: que choisir ?

Publié le 24/03/2018 | La rédaction

Tunisie

La Tunisie a fait le choix d’une décentralisation effective avec trois niveaux de collectivités locales, à savoir le district, les régions et les communes. Enrichir le débat sur les questions de la décentralisation et de la déconcentration, tel est l’événement organisé par la coopération allemande Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), en collaboration avec le ministère des Affaires locales et de l’Environnement, qui s’étalera sur deux jours, les 28 et 29 mars à Gammarth.

La Tunisie a pris l’engagement de lancer des élections municipales le 6 mai 2018, ce qui donnera aux nouveaux acteurs des diverses circonscriptions municipales l’opportunité de planifier et de promouvoir le développement de leur territoire respectif. La question cruciale pour une collectivité locale ou circonscription municipale est le choix entre la décentralisation et la déconcentration. En effet, la décentralisation confère à la collectivité locale le statut d’une structure administrative distincte de l’administration centrale de l’Etat, disposant de son propre budget et qui doit prendre en charge les intérêts de la population vivant dans sa circonscription. Par contre, la déconcentration consiste à transférer des compétences (fonctionnaires) du pouvoir central nommées par l’Etat, agissant pour son compte et chargées de gérer les affaires d’une circonscription et d’en référer à lui seul vu que dans ce cas de figure, les prérogatives reviennent à l’Etat. En d’autres termes, si la décentralisation prévoit une autonomie de fait dans la gestion d’une collectivité locale, la déconcentration ne la prévoit pas.

Cette question fait l’objet d’intenses débats à moins de deux mois de la tenue des municipales. Riadh Mouakher, ministre des Affaires locales et de l’Environnement, a mis l’accent sur la continuité du processus démocratique. Tout en déclarant: “Ce sera un processus qui se mettra en place progressivement, le pouvoir de proximité conféré aux conseils municipaux à travers les prochaines élections se base avant tout sur la confiance qui devra exister entre le citoyen et sa municipalité.” M. Mouakher a rappelé que le taux d’encadrement au sein des municipalités ne dépasse guère les 10% (8,4% encadrement administratif et 1,6% technique) ce qui est tout de même un taux très faible, en ajoutant que “sans les ressources humaines et financières,  les choses n’évolueront pas rapidement et dans le bon rythme”.

Il est à noter que le budget des municipalités représente 4% seulement du budget de l’Etat, et “devrait atteindre les 10% dans les six prochaines années”, a-t-il poursuivi. 

“De tels débats sont essentiels dans le contexte actuel du processus de transition démocratique”,  affirme Stéphanie Harter, cheffe du cluster GIZ Tunisie (“Développement décentralisé et gouvernance”) qui a évoqué l’expérience allemande. Elle déclare à cet effet: “Je crois bien que c’est une mixture de trois axes, la participation de la société civile, les pouvoirs des médias et des tribunaux  qui peuvent exercer un certain pouvoir pour dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Je trouve aussi que les institutions de l’Etat comme la Cour des comptes ont elles aussi ont un rôle à jouer.”

Par ailleurs, présent lors du colloque, Moez Attia, président de l’Association Kolna tounes, a souligné qu’il y a interférence entre les pouvoirs déconcentrés et décentralisés. Tout en indiquant: “Tout le monde sait que notre modèle de décentralisation est basé sur un seul pouvoir législatif et exécutif, à savoir l’unité de l’Etat. Si un gouverneur constate un dysfonctionnement au niveau de la municipalité, dans un système décentralisé, il ne pourra pas intervenir directement. Tout comme il n’aura pas un droit de regard sur la gestion locale. Son seul recours sera de saisir le Tribunal administratif.

De son côté, Ahmed Zarrouk, ministre conseiller auprès du Chef du Gouvernement, chargé de la Fonction publique et de la Gouvernance, a insisté sur le capital humain. Il précise: “Les attributions concédées à l’administration régionale devront prévoir une complémentarité entre décentralisation et déconcentration.”

Quel sera le statut de gouverneur ?

A cette question, Annira Busch, experte en suivi et communication à la  Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), a précisé: “Le statut du gouverneur et de ses représentants dans un système décentralisé est  prévu dans un projet de loi que la GIZ a accompagné à travers un groupe interministériel composé des hauts cadres des différents ministères tunisiens (Intérieur, Equipement, Finances, Santé, Education, MDICI). Le texte est finalisé, son adoption dépend effectivement de celle du Code des collectivités locales par l’ARP. La forme juridique du texte sera définie lors d’un Conseil ministériel.”

Quelle la vision sur le moyen et le long terme?

“Le projet «Appui à la Déconcentration» (ADT) de la GIZ a soutenu le travail du groupe interministériel qui avait comme principale mission la définition des conditions-cadre pour asseoir une meilleure gouvernance du développement régional portée par les structures déconcentrées de l’Etat conjointement avec les collectivités locales. Le groupe interministériel a été le maître d’œuvre d’une étude nationale sur la déconcentration en Tunisie effectuée en 2016 et qui a permis de définir trois propositions de scénarios d’organisation de l’administration déconcentrée de l’Etat. Le projet ADT sera finalisé en juin 2018. Néanmoins, son travail sera poursuivi dans le cadre d’un nouveau programme de la GIZ «Appui à la Décentralisation en Tunisie» qui démarrera cette année”, a-t-elle conclu. 

Source: www.leconomistemaghrebin.com


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