Les grands chantiers qui attendent les collectivités en 2018

Publié le 27/02/2018 | La rédaction

France

Le nouveau pouvoir lance des réformes à foison, toutes destinées à rationnaliser l’action locale et à maîtriser la dépense publique. Autant de chantiers qui pourraient provoquer des crispations du côté des cadres territoriaux et des élus attachés à la décentralisation.

chantiers des collectivités en 2018Président dans la plus pure tradition de la Ve République, Emmanuel Macron ne veut pas perdre une minute de son mandat. A l’instar du général de Gaulle en 1958, le chef de l’Etat multiplie les réformes de structure, des offices HLM à l’apprentissage, en passant par le service public. Président jacobin au discours girondin, il a semblé entendre les édiles épris de pause institutionnelle après le grand chamboule-tout des années Hollande.

Emmanuel Macron entend désormais accorder la prime à une organisation des territoires à la carte. Mais, bien vite, le naturel pourrait reprendre le dessus. A cet égard, le Grand Paris servira de test.

Le président de la République, qui a préféré missionner sur ce dossier le préfet de la région Ile-de-France, Michel Cadot, plutôt que l’un de ses ministres, se mettra-t-il dans les pas des grands commis des années 1960, multipliant les opérations d’intérêt national, mettant au pas aux élus locaux ? Ou saura-t-il repérer les nouvelles dynamiques territoriales qui se font jour ? Les premiers éléments de réponse devraient être connus dans les toutes prochaines semaines.

Aménagement du territoire – Villes moyennes, agence nationale, santé : objectif cohésion

Cette année sera mis en musique le plan Action cœur de villes présenté le 15 décembre à Rodez. Sous la houlette du ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, l’Etat donnera un coup de pouce aux villes petites et moyennes, principalement en matière d’habitat et de commerce. Sur l’ensemble de la mandature, 5 milliards d’euros provenant de la Caisse des dépôts, de l’Agence nationale de l’habitat et d’Action logement y seront consacrés. Pour l’occasion, un nouveau dispositif sera instauré : l’opération de revitalisation du territoire. 2018 verra aussi la création de l’agence nationale de cohésion des territoires. Edouard Philippe a annoncé, lors de la Conférence nationale des territoires le 14 décembre à Cahors, qu’une mission de préfiguration serait lancée en ce sens.

Le Premier ministre veut que l’Etat parle avec cette nouvelle structure « d’une seule voix ». L’Assemblée des communautés de France souhaiterait que ce chantier soit l’occasion de définir une stratégie nationale de la cohésion des territoires. Un plan qui fasse fi des démarches thématiques en silos et des plans dédiés à telle ou telle catégorie de collectivités.Les élus locaux demandent en outre que l’on s’attaque aux déserts médicaux se développant un peu partout. « Chaque citoyen doit avoir accès à des soins de qualité », répète également Agnès Buzyn. Pour ce faire, la ministre de la Santé doit présenter au printemps un nouveau plan de lutte contre les déserts médicaux – « changement de paradigme », assure-t-elle. L’obligation pour les médecins de s’installer dans les secteurs sous-dotés, demandée par beaucoup, est néanmoins rejetée par le gouvernement.

Open Data et vie privée – Une année décisive pour les données

Changement de paradigme en 2018 sur la protection des données personnelles. L’entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données (RGPD), le 25 mai prochain, entraîne une responsabilisation des collectivités en la matière. La logique de contrôle a priori par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui prévalait jusqu’ici, sera remplacée par celle d’un contrôle a posteriori. Plusieurs obligations en découlent, dont celle de nommer un délégué à la protection des données. D’ici à l’entrée en application du RGPD, le droit français devra être modifié. C’est le sens du projet de loi relatif à la protection des données personnelles, déposé à l’Assemblée fin 2017.

Plus largement, octobre 2018 sera une échéance importante, avec la mise en œuvre complète de la loi « Lemaire » du 7 octobre 2016, qui a rendu obligatoire l’ouverture des données publiques des collectivités de plus de 3 500 habitants et de plus de 50 agents. Les données de la commande publique seront aussi impactées. Environ 4 500 collectivités sont concernées alors que, fin 2017, à peine 200 ont commencé à publier leurs données sur des plateformes open data.

Simplification– Droit à l’erreur et arsenal antinormes

En janvier arrive au Parlement le projet de loi phare pour un Etat au service d’une société de confiance, pour lequel la procédure accélérée a été engagée. Texte fourre-tout qui vise à transformer l’action publique, la réforme portée par le Premier ministre et le ministre de l’Action et des comptes publics instaure notamment le principe du droit à l’erreur. Mesure clé, ce droit à l’erreur pour l’administré est une petite révolution : en instaurant, a priori, une confiance de l’administration à l’égard des personnes physiques et morales agissant de bonne foi, la charge de la preuve est inversée : il reviendra à l’administration de démontrer la mauvaise foi de l’usager. Ce nouveau droit s’appliquera à tous les domaines de l’action publique donnant lieu à des obligations déclaratives ou à des contrôles administratifs pour lesquels un régime spécifique n’existe pas.

Par exemple, le versement de l’allocation personnalisée d’autonomie à une personne qui aurait oublié de déclarer le changement de son statut ne sera plus suspendu : l’allocataire pourra invoquer le droit à l’erreur pour plaider sa bonne foi. Une simplification de la vie des administrés donc, mais aussi de celle des collectivités. Le président de la République et le Premier ministre ont insisté sur leur volonté de simplifier les normes qui s’appliquent à ces dernières. Après avoir pris une circulaire en juillet 2017 afin de diminuer le nombre de nouvelles mesures réglementaires, le gouvernement compte s’attaquer au stock des normes qui pèsent sur les collectivités. Pour ce faire, la solution d’un programme de déclassement des textes dans la hiérarchie des normes devrait être retenue

Social – Les départements toujours en quête de financements

Cheval de bataille des conseils départementaux lors de leur congrès en octobre, le financement de la prise en charge des mineurs non accompagnés ainsi que des allocations individuelles de solidarité (AIS) demeure au cœur des préoccupations. Le nombre de jeunes migrants se déclarant mineurs explose et tous les territoires sont désormais touchés, y compris les plus ruraux situés loin de toute frontière. L’Assemblée des départements de France estime à un milliard d’euros le coût pour 2017, et il pourrait doubler cette année… Le gouvernement a annoncé qu’il reprendrait en charge la période d’évaluation du jeune et son coût, mais les modalités techniques restent, pour l’heure, inconnues.

Concernant le financement des AIS, et en premier lieu celui du revenu de solidarité active, les départements souhaitaient qu’il ne soit pas inclus dans l’objectif d’évolution des dépenses, limité par la loi de finances pour 2018 à 1,2 %. Ils n’ont pas obtenu gain de cause. Les discussions en cours se poursuivent donc en vue de parvenir à un accord avec le gouvernement pour que la réforme intervienne dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Car si le nombre d’allocataires du RSA a tendance à stagner depuis 2016, il pourrait repartir à la hausse en raison des coupes claires effectuées dans contrats aidés financés par l’Etat. Sur ce dossier, le gouvernement s’est montré inflexible. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, doit en revanche présenter au printemps le projet de loi qui réformera la formation professionnelle, moyen pour le gouvernement de redonner un véritable espoir avec un emploi durable aux anciens bénéficiaires d’un contrat aidé.

Finances locales – Contractualisation, année zéro

Pour la première fois depuis le début du processus de décentralisation, 340 collectivités et intercos vont signer cette année un contrat avec l’Etat portant sur la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement durant trois ans. C’est une révolution, que l’Association des maires de France a du mal à envisager sans y voir une atteinte à l’autonomie financière des collectivités. Mais elle a convaincu les autres associations d’élus, sous réserve de bénéficier, pour les régions, d’une aide financière supplémentaire dès le prochain projet de loi de finances et, pour les départements, d’obtenir satisfaction sur le financement des allocations individuelles de solidarité .

Cependant, si, dans le principe, les collectivités concernées sont prêtes à signer, il reste à définir un modus operandi dans un cadre général respectueux de critères locaux (déprise démographique, revenu des habitants, efforts de gestion déjà effectués…). Une tâche plus ou moins complexe selon le nombre de signataires par territoire, d’autant que l’ingénierie financière déconcentrée de l’Etat nécessaire à l’élaboration, la négociation et l’évaluation des contrats se réduit et que le calendrier est très serré.

Les contrats devront être conclus d’ici à la fin de ce semestre avec un effet dès l’an prochain se basant sur les comptes de gestion 2018. L’autre grand chantier est la réforme de la fiscalité locale, dont la mission « Richard-Bur » doit livrer au printemps une esquisse sous forme de propositions. Deux scénarios sont sur la table : le transfert d’une partie de l’impôt sur le revenu vers les collectivités en contrepartie d’un dégrèvement total de la taxe d’habitation ou la refonte d’un impôt local basé sur le foncier. Toutefois, les réformes manquées de la dotation globale de fonctionnement ou même des valeurs locatives des locaux d’habitation montrent que la volonté ne se concrétise pas toujours en actes.

Environnement – Des assises afin de remettre à plat le modèle français de l’eau

La politique de l’eau est en plein chantier ! Alors qu’une loi a été votée fin 2017 sur la Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), un autre texte arrivera sous peu : l’assouplissement du transfert des compétences « eau » et « assainissement » au niveau intercommunal (lié à la loi « Notre » du 7 août 2015). Les conclusions du groupe de travail mené par la ministre Jacqueline Gourault seront présentées rapidement et un projet de loi sera dévoilé fin janvier. Aucune visibilité en revanche sur l’arrivée de ce texte au Parlement, tant le calendrier est chargé.

Les assises de l’eau, voulues par le président de la République, seront organisées au deuxième trimestre, avec un rôle fort donné à Jean Launay, ancien parlementaire et proche d’Emmanuel Macron. Cette vaste concertation mettra l’accent sur les difficultés de renouvellement des réseaux d’eau potable, et reviendra sur le modèle français de la gestion de l’eau, tant vanté à l’international et pourtant si menacé. L’expérimentation des contrats de transition écologique (CTE) débutera, elle, en 2018 avec une quinzaine de sites retenus. Le principe des CTE sera présenté mi-janvier.

En fin d’année, les retours d’expérience permettront de peaufiner le dispositif avant une éventuelle généralisation et une discussion lors du prochain projet de loi de finances sur les moyens financiers alloués aux CTE et aux politiques climat-énergie territoriales.Cette année, deux documents d’orientation importants seront aussi débattus et définis : la feuille de route sur l’économie circulaire et la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Sécurité – Incivilités et terrorisme en ligne de mire

Après une concertation expresse de deux mois, la police de sécurité du quotidien (PSQ) a officiellement vu le jour au 1 er janvier 2018. Une quinzaine de villes ont été sélectionnées qui vont expérimenter jusqu’à l’été cette police de proximité de nouvelle génération, très attendue par les élus locaux. L’ambition affichée et rabâchée par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, est de « replacer le service du citoyen » au cœur du dispositif de sécurité, en luttant notamment contre « tous les délits, les nuisances, les incivilités ressenties au quotidien ». En somme, restaurer la confiance bien souvent dégradée entre police et population. L’expérimentation profitera, en outre, d’une réforme pénale, attendue au printemps, et destinée à simplifier les procédures et à forfaitiser des petits délits, comme la consommation de cannabis. Reste à savoir comment cette police s’articulera avec les services de police municipale, qui font elles aussi leur credo de la proximité avec les habitants.

Parallèlement, et alors que l’effondrement de Daech dans la zone irako-syrienne ne fait pas disparaître la menace terroriste, un nouveau plan national de prévention de la radicalisation et de lutte contre le terrorisme sera présenté dans les prochaines semaines. Parmi les priorités annoncées : la nécessité de placer l’évaluation au centre de la politique de prévention, l’attention sur la santé mentale dans la prise en charge des personnes radicalisées, les mesures préventives face à l’embrigadement sur internet ou encore le travail sur le contre-discours. L’accent devrait être mis sur la mobilisation des acteurs locaux.

Culture – Bibliothèques et patrimoine au menu

Erik Orsenna remettra son rapport sur les bibliothèques en janvier. L’écrivain, qui a rencontré professionnels et élus, avancera des préconisations pour l’élargissement des horaires d’ouverture. Très attendu sur la dimension financière de la question, le ministère de la Culture sait d’ores et déjà que l’Elysée a donné son feu vert à l’augmentation de la part de dotation générale de décentralisation destinée aux bibliothèques territoriales, qui doit passer de 80 à 88 millions d’euros. Par ailleurs, le rôle économique et social des bibliothèques est à l’étude Rue de Valois, une enquête ayant été commandée à un prestataire, dont les principaux enseignements seront restitués en juin. Autre dossier phare : le patrimoine, avec la mission confiée à Stéphane Bern.

L’animateur de télévision doit proposer une liste de biens patrimoniaux à restaurer d’urgence et quelques dispositifs financiers inédits pour ces travaux. L’idée de créer un « loto du patrimoine » a déjà été validée par Françoise Nyssen, la ministre de la Culture, dans le cadre de la « stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine » et adoptée par le Parlement lors de la discussion budgétaire.

Politique de la ville – Changer enfin le visage des quartiers prioritaires

Le président de la République tiendra-t-il ses promesses ? En novembre dernier à Tourcoing, lors de la présentation de sa feuille de route pour la politique de la ville, il avait réussi à rassurer les élus et des professionnels échaudés par des coupes budgétaires imprévues. En 2018, il devra traduire concrètement la « mobilisation nationale pour la ville et les quartiers » qu’il appelle de ses vœux. Pour ce faire, un comité interministériel des villes se réunira en mars pour mettre en musique des propositions que le gouvernement veut « coconstruites » avec les acteurs de terrain et les habitants.

Au programme : la sécurité du quotidien, l’éducation, l’accès aux soins ou encore la présence des services publics. Signal positif, l’enveloppe dédiée aux contrats de ville est « sanctuarisée » pour tout le quinquennat. De même, malgré la fin programmée des contrats aidés, les dispositifs adultes relais sont maintenus. Du côté des élus, qui en ont vu d’autres, l’attentisme est de rigueur.

Logement – Une loi pour simplifier et accélérer la construction

Après la loi « égalité et citoyenneté » en 2017, les acteurs du logement se préparent à un nouveau texte fleuve, pour lequel une concertation a été lancée sous l’égide du Sénat le 12 décembre. Au programme : l’accélération des projets de construction avec un projet partenarial d’aménagement, conclu entre l’Etat et une intercommunalité pour des « opérations d’aménagement complexes » ; l’accélération des cessions de foncier public ; la création des grandes opérations d’urbanisme, dans lesquelles la délivrance des permis de construire serait transférée au président de l’EPCI ; de nouvelles simplifications des procédures de lutte contre l’habitat indigne…

La réforme du secteur du logement social sera aussi lancée, avec en ligne de mire la réduction du nombre d’organismes HLM, dans un contexte de dissensions entre offices et entreprises sociales pour l’habitat. La Fédération des entreprises sociales pour l’habitat a en effet signé un accord-cadre avec l’Etat le 13 décembre, portant sur une réforme du secteur, alors que la Fédération des OPH l’a refusé, rejetant le compromis proposé concernant la baisse des aides personnalisées au logement. Le projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance devrait aussi contenir des mesures de simplification, comme la création d’un permis de faire, reposant sur des objectifs à atteindre plutôt que des règles à respecter.

Source: www.lagazettedescommunes.com


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