La Guinée face aux défis de la décentralisation

Publié le 02/10/2017 | La rédaction

Guinée

Le sociologue et enseignant-chercheur Drissa Condé décrypte les enjeux de la décentralisation pour la Guinée.

Un petit tour ou tout au moins un regard systématique porté sur les réalités quotidiennes de nos communes urbaines et rurales révèle un constat peu reluisant. Cette amertume résulte aussi bien des faiblesses de notre politique de décentralisation que celles du développement local.

En effet, la décentralisation est une alternative idéale pour l’amélioration des conditions de vie des populations vivant à la base. Classiquement considérée comme étant un transfert des pouvoirs de l’Etat central vers les communautés, la décentralisation libère les initiatives, rapproche les gouvernants et gouvernés et catapulte le développement.

Au regard de ces avantages certains, elle se présente en soi comme une opportunité, du reste, un véritable instrument d’opérationnalisation des stratégies de lutte contre la pauvreté. Toutefois, l’habilitation socio-économique passe nécessairement par la participation communautaire et la promotion de la gouvernance. Effectives ces dernières, celles-ci renforcent la démocratie participative, placent les populations au cœur des actions de développement, cimentent  la maîtrise d’ouvrage, impulsent la dynamique locale, favorisent la réceptivité entre-autres.

C’est pourquoi, la plupart des intervenants sur les questions de développement s’accordent sur la nécessité pour nos Etats en particulier ceux fragiles comme la Guinée, de promouvoir cette approche combien novatrice dont les mérites ne sont plus à démontrer.  

La paix, la cohésion et le vivre-ensemble en découlent naturellement. Comme cela procède d’une tradition établie, le développement au-delà de sa dimension quantitative (réalisation des infrastructures, vulgarisation des services sociaux de base, développement des compétences…) doit s’appuyer, mieux s’enraciner sur celle qualitative (reconversion des mentalités, éveil des consciences, sentiment d’appartenance, regain d’engouement, perception de la transparence…).

En ce qui concerne notre Pays, il relève d’une évidence indéniable et d’un vécu irréfutable que nos acquis sont maigres et les défis incommensurables. La diversité des questions et la complexité des réponses, ne sont pas de nature à simplifier une quelconque analyse en la matière, cependant, un certain nombre de questions semblent à la fois récurrentes et préoccupantes.

Tout d’abord, nos élus maitrisent-ils leurs rôles et responsabilités ? Les populations sont-elles informées sur des questions de décentralisation ? Les politiques s’impliquent-ils suffisamment dans le suivi et la mise en œuvre de cette politique ?

En effet, la maitrise des rôles et responsabilités par les élus sont les leviers du succès de ce processus. On ne peut réussir un mandat d’élu que quand on sait ce que l’on doit faire, quand on connait ce que l’on doit entreprendre, quand on comprend l’organisation et le fonctionnement du mécanisme. Or chez nous, la plupart des élus, volontairement ou involontairement, ignorent grandement ce mandat : ce qui limite totalement ou partiellement les options du développement et étouffe en conséquence les initiatives incontournables pour y parvenir. Ensuite, quant aux populations, c’est pour elles et avec elles qu’une telle politique peut prospérer. A ce niveau aussi le constat est accablant. En effet, rares sont les populations qui s’acquittent de leurs obligations  de citoyen.

Contribuer au développement est un devoir qui nous interpelle tous, tout comme contrôler l’action publique. Malheureusement, on observe un désintérêt généralisé pour la chose publique. Payer son impôt, nettoyer sa cité, initier des actions bénévoles et volontaristes, sont également un impératif citoyen, préalables à l’amélioration des conditions de vie de chacun et de tous.

S’acquitter des ses devoirs et réclamer ses droits, telle doit être la philosophie de chacun et de tous. C’est en cela que l’assistanat permanent et l’attentisme prononcé, danger réel pour l’autopromotion, seront endigués.

Enfin, s’agissant des politiques, on est tenté de se poser la question si ces derniers favorisent l’éclosion de cette approche. Il ne suffit pas simplement d’écrire des textes de lois ou de tenir des discours pour témoigner de l’effectivité de ce paradigme. La réalité du terrain est plausible.

Les services techniques régionaux, préfectoraux et sous-préfectoraux de développement sont faiblement appuyés. Qui veut voyager loin ménage sa monture, dit-on pour réussir, enregistrer des performances, glaner des scores, ces ramifications de l’Etat, doivent être accompagnées en termes de formation, d’équipements et de ressources financières.

Ainsi le suivi régulier et de proximité sera de mise, la confiance retrouvée, l’autorité restaurée et le développement enclenché.

Au regard de cet état des lieux peu flatteur, il s’avère plus qu’impérieux d’initier et de mettre en œuvre de façon laborieuse des actions salvatrices à l’endroit des élus, populations et services gouvernementaux. Ce qui pourrait dans une échéance relativement raisonnable inverser la tendance dans l’intérêt exclusif du citoyen.

Source : mosaiqueguinee.com


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