Finances locales et développement

Publié le 26/08/2017 | La rédaction

Le Président de la Commission des Finances Locales pour le Développement de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), Fathallah Oualalou, Maire de Rabat au Maroc, fait un bilan de la décentralisation financière et son impact sur le développement.

La décentralisation financière n’est pas à la hauteur des enjeux

Les processus de décentralisation ont connu ces dernières décennies de grandes avancées en termes de dévolution de compétences, plaçant ainsi les collectivités locales au cœur des défis mondiaux contemporains qui touchent la plupart des pays, qu’il s’agisse de crises alimentaires, énergétiques, environnementales, financières, ou de lutte contre la pauvreté.

Cependant, les différentes études menées sur les finances locales, et notamment le rapport GOLD II  montrent que ces processus sont aujourd’hui confrontés à un grand nombre de difficultés : faible développement des systèmes de financement, manque d’autonomie financière et de capacités et des collectivités locales et de manière plus générale, insuffisance de leurs ressources.

De même, les études menées dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement montrent que le faible niveau d’atteinte des OMD reste fortement lié au manque de financements octroyés par les gouvernements centraux en faveur des gouvernements locaux, à l’impossibilité pour ceux-ci de lever des financements externes, alors même que les compétences relatives aux services de base leur sont largement dévolues.

Dans ces conditions, l’amélioration des conditions de vie des populations tarde à se concrétiser et le renforcement de la décentralisation financière s’avère incontournable pour rendre la décentralisation crédible.  En effet, celle-ci risque fort d’être perçue comme un rêve irréalisable si les transferts de compétences aux gouvernements locaux ne permettent pas d’améliorer la qualité de vie des citoyens et si les élus locaux ne disposent pas de moyens financiers permettant d’assumer les responsabilités qui leur sont confiées par la loi.

Favoriser un financement équilibré des gouvernements locaux

Les finances locales, incontournables dans la mise en œuvre les différentes politiques publiques locales, se trouvent de fait cœur du débat sur la décentralisation, sur l’autonomie locale, et sur l’application du principe de subsidiarité.
Présidée depuis 2009 par la ville de Rabat au Maroc, la Commission des Finances Locales pour le Développement (CFLD), a pour mission de favoriser les échanges d’informations et d’expériences dans les domaines clés de la décentralisation financière:

  • Le partage des recettes nationales entre les différents niveaux de gouvernement est-il effectué de manière équitable? Les transferts de compétences sont-ils effectivement accompagnés des ressources correspondantes ?
  • Les modalités de répartition des impôts permettent-elles aux collectivités de disposer de recettes propres suffisantes, conformément au principe de subsidiarité?
  • Quelles capacités ont aujourd’hui les gouvernements locaux à générer leurs propres revenus, à accéder à l’emprunt, aux partenariats publics privés?

En association avec ses partenaires techniques et financiers, la CFLD déploie ses d'activités  autour de plusieurs axes : l’animation d’un réseau d’experts en finances locales, le déploiement d’un projet d’observatoire mondial des finances locales, et la diffusion de plaidoyers relatifs au financement des collectivités locales et à la décentralisation financière.

Animer un réseau d’experts en finances locales

Pour nourrir son plaidoyer, CGLU s’appuie sur un réseau d’experts en finances locales au sein duquel les directeurs financiers des collectivités locales tiennent une place privilégiée. Mesurant  au quotidien les forces et faiblesses des systèmes financiers dans lequel ils exercent leurs responsabilités, conseillant les élus locaux en matière de politique financière, ces professionnels disposent en effet d’une technicité et d’une capacité d’analyse infiniment précieuse pour alimenter le débat.

Un tel réseau vient notamment de voir le jour sur le continent africain, porté par CGLU Afrique et la Commission des Finances Locales pour le Développement (CFLD) de CGLU. Plateforme d’échanges d’expériences et de connaissances, ce regroupement fédère les directeurs financiers autour d’un projet d’observatoire des finances locales, nourrit les démarches d’évaluation et d’innovation, et facilite l’élaboration de référentiels et d’analyses propres à guider les élus dans la mise en œuvre de leurs politiques financières.

Ce réseau a vocation à s’étendre progressivement aux autres géographies du monde, notamment à l’Amérique latine et à l’Europe en 2014.

Développer un projet d’observatoire des finances locales

Pour mieux porter les enjeux de la décentralisation financière sur les scènes nationales et  internationales, et être en capacité de proposer des financements adaptés aux besoins de leurs populations, les gouvernements locaux ont besoin de disposer d’outils de connaissance de leurs finances locales.,

Cependant, les données permettant la réalisation d’analyses précises, mettant en lumière les forces et faiblesses des différents systèmes de financement local, le niveau d’autonomie financière des collectivités locales, leur capacité d’emprunt, etc., sont rarement disponibles car leur collecte n’est pas toujours systématisée, et les moyens manquent pour mettre en œuvre des systèmes d’information performants. Par ailleurs, les données mondiales agrégées actuellement disponibles ne permettent pas, d’apprécier l’entière réalité des systèmes de décentralisation financière. 

Dans ce contexte, la création d’un observatoire mondial des finances locales fait partie des outils dont CGLU souhaite se doter afin de soutenir ses membres dans le dialogue qu’ils entretiennent avec leurs gouvernements centraux. Des recommandations ont été émises en ce sens en 2007 , et dès 2008, un appel était lancé pour la création d’un outil rassemblant les données financières des collectivités locales, associant les administrations centrales et locales, les associations de pouvoirs locaux ainsi que bailleurs de fonds, en vue de disposer d’une information indépendante et fiable sur les finances locales .

L’étude de pré-faisabilité a pu être conduite en 2013 et une phase de test est en cours sur l’Afrique, menée par CGLUA. La phase de faisabilité du projet et son extension aux autres géographies de CGLU font partie du programme 2014-2016 de la CFLD. 

Diffuser un plaidoyer en faveur de la décentralisation financière

La situation alarmante des finances locales dans une majorité de pays ne permet pas d’atteindre l’objectif de développement durable des territoires. De nombreuses composantes des mécanismes de finances locales n’existent pas, sont incomplètes, ou ont été mises en oeuvre sans tenir compte du contexte institutionnel.

Certains états ne semblent pas comprendre qu’ils doivent créer un environnement propice à l’action des collectivités locales. Au contraire, la tendance à la recentralisation dans certains pays semble avoir été exacerbée par les retombées de la crise économique et financière mondiale.

  • A quels freins se heurte la décentralisation financière ? Pourquoi les recommandations de la communauté internationale sont-elles si peu suivies d’effets ?
  • Comment convaincre les gouvernements centraux du potentiel de croissance et de développement que représentent des villes bien équipées? De quelle manière pouvons-nous démontrer que le « prix à payer » pour y parvenir est bien moindre que le coût, à terme, du laisser faire ?
  • Comment mobiliser une part suffisante des richesses produites pour répondre aux besoins en investissement des territoires urbains ? Quelles réformes fiscales permettraient de mieux mobiliser les ressources nationales et locales ?
  • Quel niveau d‘autonomie financière des gouvernements locaux permet réellement d’adapter les politiques nationales aux réalités et aux besoins des territoires ?
  • Quels mécanismes promouvoir afin de faciliter le recours à l’emprunt et au Partenariat Public-Privé ? Comment accompagner la structuration des marchés, les sécuriser, et adapter les produits aux besoins et capacités des gouvernements locaux ?
  • Comment développer les mécanismes de financement des investissements par la valorisation du foncier ? 

Autant de questions auxquelles la Commission des Finances Locales pour le Développement de CGLU tente d’apporter quelques éléments de réponse dans les différentes enceintes internationales auxquelles elle participe, ainsi que dans le cadre de la préparation de la conférence Habitat III.

Source : www.uclg.org


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