La maire de Bagdad veut reconstruire sa ville et la jumeler avec Paris

Publié le 11/04/2018 | Thierry Roland Simen

France, Iraq

La maire de Bagdad veut reconstruire sa ville qui a souffert d’années de négligence et de guerre, et la jumeler avec Paris, une autre capitale dirigée par une femme.

La tâche est titanesque et Thikra Alwash, 60 ans, se donne dix ans pour redonner de l’éclat à l’ancienne capitale du califat abasside, en mettant l’accent sur la réhabilitation des infrastructures et la restauration du patrimoine. Mais c’est à elle de trouver l’argent.

« Quand j’ai pris mon poste en 2015, la municipalité était en faillite. On m’a fait savoir que je devais trouver moi-même le financement », assure dans son immense bureau en plein centre-ville cette femme, la seule à occuper le poste de maire d’une capitale au Moyen-Orient.

Le financement provient de différentes taxes, amendes et d’investissement privé. Les revenus devraient par ailleurs s’accroître grâce à une nouvelle loi qui transférera à la municipalité certains impôts récoltés jusqu’alors par le ministère des Finances.

« Notre budget est de 110 milliards de dinars (90 millions de dollars, 72 millions d’euros), mais il faudrait le double pour faire fonctionner correctement les services de base », indique Mme Alwash, tout en estimant être « sur la bonne voie ».

Ville tentaculaire

Pas une mince affaire pour une ville tentaculaire de 900 km2 avec une population de 7,2 millions d’habitants contre 5 millions en 2015, soit une augmentation de 45% due à l’exode rural et à la guerre contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

« Notre priorité, c’est le bon fonctionnement de l’eau potable, des égouts et la collecte des ordures », explique cette ingénieure civile de formation à la tête d’une administration de 36.000 employés.

La Banque mondiale va d’ailleurs financer à hauteur de 210 millions de dollars (168 M d’euros) un important projet d’eau potable et de traitement des eaux usées à Bagdad qui souffre de coupures chroniques et d’épidémie de maladies d’origine hydrique.

Les infrastructures de la capitale, souligne-t-elle, ont été ruinées par treize ans d’embargo imposé en 1991 puis par les sanglants conflits confessionnels après l’invasion conduite par les États-Unis en 2003, et enfin la percée de l’EI dix ans plus tard. De nombreux quartiers sont à l’abandon, et la ville étouffe sous la pollution en raison d’une circulation automobile dantesque.

Mme Alwash propose de créer un nouveau boulevard périphérique, élargir les rues, développer les transports publics, notamment avec la création d’un métro, autant de projets figurant « dans le plan directeur 2030 ». Entretemps, « la ville se sera agrandie de 10 km de chaque côté », poursuit l’élégante Irakienne, le visage ceint d’un foulard rouge.

Autre priorité: le patrimoine, notamment la réhabilitation des deux artères symboliques de la capitale, la rue Rachid et l’avenue Abou Nawas. La première a été tracée pendant la 1ère guerre mondiale et fut jusque dans les années 1970 l’équivalent à Bagdad des Champs-Elysées de Paris. La seconde est une promenade le long du Tigre, véritable poumon vert de la ville.

Réduire la corruption

Dans la rue Rachid, madame le maire suscite des sentiments mitigés: des marchands ambulants lui reprochent d’avoir fait enlever du trottoir leur étal, alors que d’autres habitants la félicitent de vouloir redonner à cette artère son cachet d’antan. Pour réussir son pari, Mme Alwash souhaite jumeler Bagdad à Paris, dirigée par Anne Hidalgo. « Je voudrais signer avec elle un protocole d’entente pour le jumelage car j’espère bénéficier de son expérience en matière de réhabilitation du patrimoine », confie-t-elle.

« Paris, comme Bagdad, a l’expérience de la destruction urbaine avec quatre révolutions et trois guerres. C’est une capitale où les professionnels savent pratiquer la reconstruction », explique Caecilia Pieri, chercheuse associée à l’Institut français du Proche-Orient, auteure de « Bagdad, 1914-1960, la construction d’une capitale moderne ».

Quant à la corruption, qui gangrène l’Irak et à cause de laquelle son prédécesseur a été écarté, Mme Alwash déclare « ne pas aimer » en parler. « Je préfère parler d’erreurs. En tout cas, j’espère que sous mon mandat ce fléau sera réduit notamment en utilisant les technologies modernes, et en choisissant les personnes appropriées », indique celle qui a été choisie par le Premier ministre Haider al-Abadi, car en Irak, la nomination des maires relève de l’exécutif. « S’ils ont choisi une femme (à la tête de la mairie), c’est aussi parce que nous savons faire attention aux dépenses », souligne-t-elle.

Source: www.journaldekinshasa.com

Thierry Roland Simen


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